1. Femme de la nuit


    Datte: 17/09/2018, Catégories: fh, inconnu, bizarre, fantastiqu, Auteur: Medigane, Source: Revebebe

    Il faisait froid.
    
    Je relevai mon col.
    
    J’étais seul. Marchant dans cette ville inconnue dont la seule musique semblait être celle de mes propres pas dans l’écho de la nuit d’hiver. Au loin, quelques rires s’échappaient. Probablement un groupe d’amis qui s’amusaient, et qui, loin de me divertir, me renvoyaient à ma propre solitude.
    
    Besoin de chaleur.
    
    J’entrai alors dans un bar, et commandai un Jack. Double. On a beau critiquer l’alcool, c’est parfois votre seul compagnon. Mais tandis que je me lamentais intérieurement sur le sens de ma vie, je l’aperçus. Assise dans l’angle opposé de la pièce, et avec une étonnante discrétion, elle semblait me fixer du regard depuis un long moment déjà. Pourtant le fait que je la remarque n’avait pas l’air de la déranger. Sans ciller, elle m’observait de son regard profond. Son regard… Ses yeux, d’un bleu très riche, étaient pour ainsi dire la seule partie de son visage que je pouvais percevoir réellement. Comme hypnotisé, je ne pouvais me détacher de cette emprise et bientôt, d’un mouvement presque mécanique, presque involontaire, je m’approchai de sa table, sans avoir la moindre idée cependant de ce que je pourrais lui dire une fois y être parvenu. Ma venue ne semblait toujours pas la surprendre. Ni la gêner. Tout en m’approchant d’elle, je la jugeai à mon tour. Ses cheveux d’un noir parfait tombaient dru le long de ses joues et cachaient en partie la blancheur de son teint et la finesse de ses traits. Ses lèvres pâles et ...
    ... délicates tenaient elles aussi de la beauté froide et je m’étonnai à m’imaginer déjà déposer mes lèvres sur les siennes. Devant elle, se tenait un verre de vin. Je ne sais si le plus surprenant était la présence d’un alcool noble dans ce lieu, ou le fait qu’il fût servi dans un verre à pied du plus bel effet.
    
    — Pourrais-je vous offrir un coup à boire ?
    
    Ces mots avaient surgi de ma bouche trop vite pour que je pus les en empêcher, et pourtant, pour la première fois ses yeux s’éclairèrent. Elle était surprise par ce que je venais de dire. Mais plus que ma maladresse, c’est sa surprise qui semblait l’étonner. Comme si cette personne n’avait plus rien vécu de nouveau depuis un long moment déjà. Elle éclata en un rire froid, et pourtant on n’y notait aucune présence de moquerie, ni même cette trace de supériorité vaniteuse qu’ont les belles femmes qui ont l’habitude de se faire aborder. Non, ce rire bref mais non feint témoignait d’un véritable amusement, comme si je venais de dire une quelconque blague, et se démarquait surtout par son étrange absence… de vie. Loin de me rassurer, ce rire me mit mal à l’aise et pour la première fois, je détachai mes yeux de son regard, pour scruter alentour et jauger de mon ridicule dans ce lieu fréquenté. Mais personne ne nous regardait. Nous n’étions pas ignorés comme on peut habituellement l’être à la capitale, non. C’est comme si nous n’existions pas. Comme si nous étions déjà morts.
    
    — Pas ici.
    
    À ces quelques mots, je me retournai vers la ...
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