L'histoire se répète - Histoires de Sexe

L'histoire se répète

... Quoi ? Pas vous, Martin. Pas vous qui êtes parmi eux à longueur de journées et de nuits. Vous avez bien remarqué qu’ils nous ressemblent étrangement, qu’ils apprennent notre langue, des gestes de métiers, qu’ils rient, qu’ils pleurent, qu’ils ont peur ou éprouvent de la joie ou du plaisir. Je ne dis pas cela pour vous choquer, Martin. Je vous confie ce que je ressens au bout de quelques mois dans cette plantation qui, par ailleurs, est parfaitement gérée. Maintenant, il est possible que je me trompe. Je vous demande juste de prendre le temps de la réflexion sur le sujet, et nous en reparlerons. D’accord ?
— Bien Madame…

Venait-elle de se faire un ennemi ? Ce n’était pas impossible, elle n’aurait peut-être pas dû déballer toute sa pensée d’un coup. Mais on est au XIXème siècle, que diable, plus de vingt ans après la révolution française ! Alice était ainsi tourmentée lorsqu’une rumeur agita la maison. Avec trois semaines d’avance sur le calendrier envisagé, le capitaine Gamotte arrivait dans la plantation. Une vague de bonheur l’envahit soudain.

— Mon beau capitaine, quelle superbe tenue ! Et vous avez rasé votre barbe, vous êtes magnifique !
— Merci belle Alice. J’avais une telle hâte de vous retrouver…

Leur étreinte fut longue et fougueuse, et peu leur importait que les esclaves et les marins mélangés applaudissent à tout rompre. Un petit équipage, rameurs de la chaloupe, transportait les malles et caisses de leur capitaine et repartit sur le navire.

— ...

... Comment allez-vous ? Comment s’est passée la traversée ? Que rapportez-vous ? Racontez-moi tout…
— Traversée excellente, moussaillon, sans tempête ni calme plat, mer belle et… nouveau navire ! J’ai bien revendu l’ancien, bien vendu mon chargement, et avec les titres d’emprunt j’ai pu acheter une goélette beaucoup plus grande et beaucoup plus rapide. J’ai plus d’hommes d’équipage, plus de passagers, plus d’esclaves et plus de chargement. C’est parfait pour les affaires. Et vous, comment cela se passe-t-il ?

La jeune femme lui raconta tout, la bonne récolte, l’évolution du traitement des esclaves, ses réussites et ses difficultés, notamment dans ses relations avec Martin, expliquant le fond de sa pensée. Puis ils firent l’amour, soupèrent et refirent l’amour. Le lendemain, le capitaine commenta toutes ces nouvelles en faisant avec elle le tour de la plantation.

— J’ai beau commander un navire négrier, je ne me ferai jamais aux fers et aux coups de fouets. Nous allons faire atteler le landau pour que vous admiriez mon nouveau bateau. Vous y verrez que les esclaves sont transportés dans de bien meilleures conditions. Je pense d’ailleurs cesser ce trafic répugnant bientôt et ne plus me consacrer qu’aux produits de luxe, comme le café, le sucre ou le chocolat ; mais aussi du coton de grande qualité, comme le nôtre. J’ai trouvé à le vendre dans des manufactures du sud-ouest fort réputées, anciennes manufactures royales, à quatre ou cinq fois le prix que ces voleurs de marchands en ...