1. Elle


    Datte: 19/04/2023, Catégories: fh, couple, Collègues / Travail amour, rencontre, Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe

    ... puis… On se serait retrouvés pour la première fois dans le même lit dans une ferme sans confort au milieu de nulle part, un plumard qui sent le hareng ferné (non, pardon, j’ai bu, le renfermé) ? C’est moyen comme escapade romantique. Nous sommes amis, collègues, on s’entend bien, on travaille bien ensemble, ne gâchons rien. Sur la route, je reçois un SMS :
    
    Week-end sérieux, mes parents passent la main et prennent leur retraite. Réunion de famille le samedi soir avec mon frère, sa femme et leurs deux enfants. Après le dîner, Jacqueline, ma belle-sœur, rentre avec les enfants et nous laisse discuter. Le projet de mes parents est de laisser les terres à mon frère, paysan lui aussi, et de me laisser leur maison comme maison de campagne. Eux se font construire une petite maison près de chez mon frère, histoire de lui donner un coup de main de temps en temps et de ne pas être trop isolés en vieillissant. Moi ça me va, je n’en demandais pas tant. Quant à mon frère, il va pouvoir mener ses projets à bien : passer en bio sans perte de production grâce à l’agrandissement, et surtout revenir aux valeurs d’antan ; avoir une ferme diversifiée qui produise un peu de tout. Il est heureux, moi aussi.
    
    Je conserve la maison de mon enfance, un petit bout de prairie et un verger attenant, de quoi s’amuser un peu. Elle est à rénover, mais ça se fera avec le temps. Jacqueline passera aérer régulièrement et mon frère débroussaillera autant que de besoin. Parfait, tout ça. Il faudra revenir ...
    ... dans une quinzaine pour passer chez le notaire. Le dimanche matin, je fais un tour au village, acheter quelques produits locaux pour remporter à la capitale, l’après-midi je fais quelques photos avant de reprendre la route, le coffre rempli de bons produits de la ferme. Au moment de partir, mon frère se pointe sur les chapeaux de roues.
    
    — Ah, j’arrive à temps. D’abord pour te dire merci, frangin.
    — De quoi ?
    — Tu aurais pu vouloir garder la moitié, la louer en fermage.
    — Et toi la moitié de la maison de notre enfance.
    — Tu rigoles, je ne suis pas loin et puis je serai sûr de te revoir souvent. Tiens, mets ça dans ton coffre, ça vient d’une vache comme j’en veux, je suis allé voir le collègue ce matin. Au four, 150° pendant une heure. Sel, poivre et c’est tout. Tu comprendras…
    — Ah si, juste un truc : j’aurais bien aimé garder « Bouledepoil » , mais je sais bien que c’est toi qui devras t’en occuper…
    — Pas de soucis, je le lâche dans ton terrain en lui laissant une écurie ouverte, il fera la tondeuse.
    
    Bouledepoil, c’est notre âne du Poitou, avec une toison bouclée et épaisse jusqu’en bas des pattes. Il est trop rigolo et porte bien son nom.
    
    Je reprends la route en essuyant une petite larme sur la joue ridée de ma maman.
    
    — Dis, quand est-ce que tu nous ramènes une gentille petite femme ? Je serai morte avant que ça n’arrive…
    
    Elles sont comme ça les mamans. Elle ne peut même pas imaginer ma vie, peut-être que c’est mieux ainsi. Il est à peine vingt heures ...
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