1. Le randonneur


    Datte: 09/04/2023, Catégories: Entre-nous, Hétéro Auteur: Philus, Source: Hds

    ... nuit. Soudain, une voix l’arrêta :
    
    — Monsieur ! Monsieur !
    
    Il se retourna. C’était la jolie femme entrevue dans la boutique. Elle était grande et brune, et avait des cheveux mi-longs repoussés derrière les oreilles. Ses dents blanches illuminaient son sourire malgré la pauvre clarté du lieu.
    
    — Je vous ai entendu dans la boulangerie. L’hôtel est complet ?
    
    — Non seulement il est complet, mais l’hôtelier a complètement annulé ma réservation croyant que je ne viendrai pas.
    
    — Je vois et ce n’est sûrement pas la boulangère qui va vous aider. Nous sommes en pleine montagne ici et tout le monde semble avoir oublié le devoir de secours et d’hébergement au voyageur égaré. Ils se disent montagnards, mais seuls leurs parents ou grands-parents l’étaient. Eux, ils ont tous été pourris par la plaine, la vallée ou la ville.
    
    — Et vous, vous êtes montagnarde ?
    
    — Oui, mais pas d’ici. Je viens du Jura. J’ai attendu que vous sortiez de la boutique pour vous proposer une chambre chez moi. J’ai de la charcuterie, du pain, des pommes de terre, du fromage et du vin de ma région pour le repas. N’ayez crainte des qu’en-dira-t-on, d’abord, je suis divorcée et ensuite je fais ce qui me plait ; je ne suis pas comme eux, vous savez.
    
    La perspective d’un bon lit et d’un repas copieux l’enchantait et son indéfinissable hésitation, dont il ne comprenait pas l’origine, fut balayée prestement. Quant au qu’en-dira-t-on, il s’en moquait éperdument : demain, il ne serait plus là et ce ne ...
    ... sera pas à lui de gérer les on-dit.
    
    — Vous habitez loin ? s’enquit Pietro inquiet.
    
    — À la sortie du village sur la route de Valardin. Encore une dizaine de minutes à pied. Ça ira ?
    
    — Je crois que oui.
    
    À ces mots, la femme prit son filet à provisions d’où débordaient plusieurs variétés de pains et le fit glisser sur son bras replié. Pietro enfila son sac à dos sur une seule épaule et la suivit qui partait en direction de la rue principale du village. Se dirigeant à l'opposé du lavoir par lequel le randonneur était arrivé, ils marchèrent une centaine de mètres sur un trottoir de terre avant de longer la route sur un bas-côté herbu et en dévers.
    
    — Je m’appelle Charlotte Girod-Magnin, je suis née à Bois d’Amont dans le Jura. Mon père était jurassien, mais ma mère était Suisse, dit-elle pour meubler la conversation.
    
    — Moi, c’est Pietro Milano. Je suis né à Modane en Savoie, mais comme mon nom l’indique j’ai des ascendances italiennes.
    
    — Ma maison n’est pas très loin, on la voit d’ici qui se découpe sur le ciel au milieu des étoiles.
    
    Quelques minutes plus tard, Charlotte et Pietro entraient dans une maison de pierres et d’ardoises qui sentait fort la cendre refroidie.
    
    — Je vais faire une flambée, dit-elle rapidement. Sans vous commander, pourriez-vous me rapporter une dizaine de bûches, elles sont dehors sous l’escalier, c’est trop lourd pour moi.
    
    Pietro s’exécuta et, peu après, une flamme rassurante et bienfaisante jaillit des branchages déposés par ...
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