1. Le randonneur


    Datte: 09/04/2023, Catégories: Entre-nous, Hétéro Auteur: Philus, Source: Hds

    Ses pas résonnaient de manière étrange sur le sentier de chèvre qu’il suivait dans la montagne, comme si l’obscurité bénéficiait du pouvoir de modifier les sons. Depuis que la nuit était tombée, la nature s’était endormie brusquement et plus aucun bruit ne venait troubler celui que provoquaient ses chaussures sur le sol dans sa marche cadencée. Il avait mal calculé la distance et mal évalué la difficulté du chemin qui séparait son point de départ de celui d’arrivée. C’est pourquoi il marchait passablement fatigué, à la clarté de la Lune et d’une lampe de poche chargée de dévoiler les traitrises des zones d’ombre. Novembre avait son charme, mais aussi ses exigences. Parti à sept heures du matin, il venait juste d’entendre les sept coups de cloche de dix-neuf heures qui sonnaient dans la vallée. Soudain après un virage serré, les lumières du village, étirées le long de la rivière qui le traversait, s’étalèrent devant lui.
    
    — Enfin ! songea-t-il. Voici mon havre de ce soir.
    
    Il parvint au socle d’une immense statue blanche du Christ qui l’accueillit de ses bras grands ouverts. Un long escalier aux marches irrégulières démarrait de la base et descendait vers les habitations ; même s’il n’était pas éclairé, il était toujours plus rassurant qu’un pierrier grossier où le pied pouvait glisser à tout moment. L’homme parcourut les nombreuses arabesques que les gradins dessinaient sur le flanc de la montagne, puis avança directement sur une clairière entourée d’arbrisseaux d’où ...
    ... s’échappait un chemin de terre enfin plat. Pietro le longea jusqu’à un vieux lavoir et déboucha sur la voie principale de Serveille. Il suivit la rue à gauche en direction de ce qu’il lui paraissait être le centre-ville. L’hôtel qu’il avait repéré avant de partir ne pouvait être que là. Une voiture, tous phares allumés, le doubla mollement, sans bruit. Pietro avait beau écarquiller les yeux, il n’aperçut ni le conducteur ni les hypothétiques passagers et les feux du véhicule avaient révélé un nombre impressionnant de maisons éteintes aux volets fermés. Le sac à dos lui pesait sur les épaules. D’un mouvement sec, il le réajusta, mais cela ne le soulagea qu’une dizaine de secondes. Puis vinrent une place illuminée, sa fontaine au milieu et ses bancs publics vides. Tout autour, deux ou trois vitrines encore éclairées, dont celle de l’hôtel-bar-restaurant des Voyageurs et d’une boulangerie. Rassuré, Pietro entra dans le bar, cligna des yeux, apprécia la chaleur ambiante qui lui montait aux joues et se dirigea vers le comptoir. Il s’adressa à un homme qui le dévisageait :
    
    — Bonjour. Pietro Milano, j’ai retenu une chambre pour cette nuit.
    
    Le barman disparut une minute et revint l’air gêné.
    
    — C’est-à-dire que... Vous deviez arriver avant dix-sept heures.
    
    — Oui, excusez-moi, mais j’avais mal évalué la distance qui me séparait de Rialans. Je suis venu par la montagne.
    
    — Trente-cinq kilomètres, au bas mot, et trois cols, fit le garçon avec un sifflement admiratif.
    
    Puis, ...
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