La rencontre
Datte: 12/12/2022,
Catégories:
fh,
inconnu,
vacances,
sport,
bain,
hotel,
voyage,
Voyeur / Exhib / Nudisme
rencontre,
Auteur: Fitiavana, Source: Revebebe
... comme pour les dernières alertes il y a dix ans, l’angoisse des premiers cas en France, l’annonce de la pandémie, les mois de confinement et la vie qui s’est arrêtée, le télétravail et les journées passées à zapper entre jitsi, skype et zoom, les semaines de cinquante heures pour que ma boîte puisse mettre mes collègues au chômage partiel, la famille et les amis qui sont tombés malades, ceux qui ne s’en sont pas sortis, les projets annulés. Je lui explique la promesse secrète que j’ai faite – que je me suis faite ! de partir sur le chemin cette année encore si je m’en sortais, la documentation trouvée sur Internet et dans les guides, les préparatifs hésitants du voyage, les achats compulsifs de matériel qui ne serviront qu’à me rassurer, les pesées répétées du sac à dos pour traquer les grammes superflus, comme le font les vétérans, les amis qui trouvent ça stupide, les collègues à qui je n’ai rien osé dire et la famille qui tente de me décourager. Je lui parle de mon départ il y a trois jours d’un petit village de Haute-Savoie, de cette impression, dès le premier kilomètre, que je n’ai rien à faire dans ces godasses, et des cent fois où j’ai déjà failli rebrousser chemin et sauter dans le premier transport pour terminer confortablement chez moi mes trois semaines de vacances.
Je lui parle longtemps, comme à une confidente. Elle m’écoute et me regarde avec bienveillance. Je sens que je peux faire confiance à cette inconnue, m’ouvrir à elle comme je n’ai pu le faire avec ...
... personne depuis des mois. Mes émotions me submergent, et craignant de l’importuner, je conclus et réponds à sa question en lui expliquant mon souhait de faire un petit bout du chemin chaque année pour arriver en 2027, année jacquaire.
Me voyant sécher discrètement mes larmes du revers de la main, elle reste pensive et laisse le silence s’installer quelques minutes. J’ai la peur absurde qu’elle se rhabille et qu’elle parte en courant, en me traitant de fou comme bien d’autres l’ont fait avant mon départ. Heureusement, il n’en est rien.
— Je suis désolée, me dit-elle enfin. Je ne te connais pas et je ne voulais pas te forcer à me déballer ta vie. Tu gardes beaucoup de choses dans ton cœur, et le poids sur tes épaules n’est pas seulement celui de ton sac à dos. C’est courageux de t’être confié ainsi à moi. La plus grande pudeur n’est pas celle du corps. Je m’appelle Émilie, si on faisait un bout de chemin ensemble ?
En me tutoyant, Émilie me rassure et me donne soudain l’impression que je la connais depuis toujours. Le ton sur lequel elle a posé sa dernière question n’appelle aucune réponse. Je ne sais pas encore combien de temps durera le bout de chemin, mais mon cœur et ma tête me conseillent de renvoyer l’ours mal léché dans sa tanière pour un hivernage anticipé.
— Je m’appelle Cédric. Tu as raison, je ne suis pas trop dans mon assiette ces derniers temps. C’est moi qui suis désolé de t’avoir imposé ce déballage.
— Ne t’en fais pas pour ça. Les rencontres qu’on ...