Un homme à la mer - Histoires de Sexe

Un homme à la mer

... aussi. Et puis c’est vrai qu’on s’aime. Même si ce n’est pas facile tous les jours.
— À qui le dites-vous…
— Vous êtes vous-même mariée ?
— Pas vraiment. Plus maintenant, en tout cas.
— Votre voiture a également été emportée à la fourrière ?
— Non, pas du tout. Je suis venue… enfin, peu importe. J’ignore surtout comment je vais rentrer à Bruxelles. Je viens de déclarer un vol. Mon argent, mes papiers…
— Alors vous rentrerez avec nous.
— Je ne voudrais pas vous importuner…
— Lou, interrompit la jeune femme en lui tendant la main avec un franc sourire. J’insiste.
— Marie-Hélène. C’est très généreux. Je ne sais comment vous remercier.

Elle faillit lui dire qu’elle lui ôtait une fameuse épine du pied, et puis s’en abstint, en pensant à l’épisode des dunes.

— Autant vous prévenir, la voiture de Bastien n’est pas un carrosse. Pas très conformiste.
— Il n’est lui-même pas comme tout le monde. Je m’en suis aperçue, tout à l’heure. Venant de moi, c’est un compliment.

Marie-Hélène se figea, se rendant compte qu’elle eût probablement mieux fait de se taire.

— Ah bon ? Vous avez fait connaissance, en attendant dans la file ?
— Non, on a juste un peu parlé, voici une heure ou deux à peine, sur un banc de la digue. Une conversation peu banale, je le reconnais.
— Et il vous a parlé de quoi ?

Marie-Hélène lutta de toutes se forces pour renoncer à son serment et extraire un dernier mensonge. Mais une fois de plus, sa satanée superstition l’en empêcha.

— Il m’a ...

... parlé de vous, sans vous nommer. De la magie qu’il y avait à…
— À quoi ?
— À faire l’amour avec vous.
— Oh, et puis merde…

La jeune femme écrasa sa cigarette et se leva.

— Écoutez Lou, n’allez pas vous imaginer des choses. Il n’a jamais manqué de pudeur ni de respect. C’était touchant, tendre, adorable, émouvant. Il était simplement un peu absent. Lunaire. Comme s’il rêvait à voix haute.
— J’entends bien. Je vois le tableau. Mais ça suffit, j’ai eu plus que ma dose des phases de sa lune pour aujourd’hui. On y va. En voiture !
— Mais lui…
— Il se débrouillera seul, pour une fois. Ça ne lui fera pas de tort. À moi non plus.

Elle se retourna et vit le jeune homme les regarder s’en aller à travers la vitre du fourgon, avec dans les yeux plus que de la surprise, une forme de mélancolie résignée, comme s’il avait l’âme enmazoutée.

Quelque chose de profondément injuste était en train de se nouer entre ces deux-là, et elle maudit déjà sa nouvelle franchise qui l’avait permis. Elle comprit pourtant qu’il était sur le moment inutile de s’en mêler, de plaider pour lui.

C’était simplement pas de chance. Comme si une pièce avait été jetée en l’air, et qu’une malheureuse pichenette du destin l’avait fait basculer du mauvais côté.

Ces deux-là se retrouveraient, une autre issue était impossible. L’amour qu’ils éprouvaient, l’amour qu’ils faisaient devait être une pure merveille, une cascade de frissons, un festin des corps, un éboulement du cœur.

En rentrant dans la ...