1. Je ne suis pas celui que vous croyez


    Datte: 27/09/2022, Catégories: fh, revede, Humour Auteur: Amarcord, Source: Revebebe

    ... C’est fou, voilà deux gestes qui en d’autres lieux me feraient passer pour un asocial ou un oisif. Détrompez-vous. Le jeune Arthur, qui gère dans mon équipe les contacts presse et les réseaux sociaux, vient de recevoir une demande d’interview de la part d’une journaliste d’un magazine féminin. Une certaine Julie Danvers, cheffe de rubrique chezGirlz. Une excellente occasion de gérer la réputation de la marque que je représente, tout en mettant bas les masques sur la terrasse du bistrot de notre brasserie, où le public peut déguster toutes nos bières. J’attends qu’elle se pointe.
    
    La voilà qui arrive, accompagnée d’un photographe. J’ai bien fait de me raser, m’habiller un peu smart.
    
    Merde, dirait Hélène. Qu’est-ce qu’elle est mignonne ! Chaque fois que je m’offre une petite friandise signée Radagast sur Rêvebébé, je pense aux films de Philippe de Broca avec Belmondo. Résultat, j’ai décidé de réviser mes classiques, et de visionner toutes ces pelloches qui ne font pas leurs quasi cinquante ans. La semaine dernière, je me suis donc faitl’Incorrigible. Eh ben, devine quoi : la petite Julie-reporter, c’est ni la Dorléac, ni la Ursula, ni la Bisset. C’est comme un miracle. Comme si Marie-Charlotte Pontalec venait de s’échapper de la bande de celluloïd pour rejoindre la vraie vie. Comme si elle se proposait de me servir de tutrice et se charger de soulager l’application de toutes mes peines. Face à moi, c’est le double de ma Bebel-girl préférée qui s’avance, une autre ...
    ... Geneviève Bujold, et ça me rend tout chose.
    
    — Bonjour. Julie Danvers. Et tout d’abord, merci de votre disponibilité.
    
    Et là-dessus elle m’adresse un sourire qui fait s’évaporer les restes de ma mauvaise humeur. Trente-deux quenottes éclatantes, le compte est bon, et si vous y ajoutez ces irrésistibles petites fossettes, le mien aussi. Elle peut me demander ce qu’elle veut, et même si je n’ai pas réponse à tout, je m’étendrai volontiers, en rêvant gentiment à l’improbable hypothèse qu’elle en fasse autant.
    
    — De rien, c’est mon rôle. Merci pour votre intérêt envers notre marque. Je peux vous offrir une bière, la nôtre en l’occurrence ?
    — Très sincèrement, je préfère le vin.
    — Très sincèrement, moi aussi, mais ne l’écrivez surtout pas !
    
    Elle est mignonne, sage et sérieuse en apparence, mais de temps, son petit nez mutin se retrousse, ses yeux se font espiègles. Elle commande un Perrier, le photographe accepte pour sa part volontiers la bière, s’installe un peu à distance, le temps qu’elle mène l’interview.
    
    — Alors, dites-moi tout.
    
    Nœud dans la gorge, je bafouille.
    
    — Azertyuiop, euh… Tout ? Vraiment ?
    — Comment cela a-t-il commencé ?
    — Ah oui, bien sûr, évidemment. Eh bien c’est finalement assez récent. Il y a six mois environ, nous avons conduit une étude de marché, et nous nous sommes aperçus qu’il restait une niche à conquérir. Celle des buveurs de bière occasionnels qui…
    — Excusez-moi de vous interrompre, mais je crains qu’il y ait un léger malentendu.
    — ...
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