... l'heure approche... - Histoires de Sexe

... l'heure approche...

... lui : un verre jamais vide. Les premières bières je les bois toujours rapidement, puis je ralentis. J’entretiens, plus qu’enivrer, cet état qui me déconnecte de la réalité tout en restant conscient. Depuis toujours je connais mes limites, et le verre de trop qui m’éteint l’esprit plus que l’ouvrir, aussi, dès les premiers signes, j’espace les gorgées, réduis la cadence, prends la vitesse de croisière. J’y étais depuis un moment mais rien ! Tout était aussi confus, sans le moindre début de réponse. J‘étais toujours dans le flou absolu. Puis une évidence apparue. D’un bloc. Alors je repoussai cette huitième mousse et me levai.

— Monsieur ! Votre monnaie !

Je sortis, sans répondre ni ralentir. Je n’avais plus de temps à perdre, aussi pris-je le chemin du retour. Pas de l’hôtel, bien trop tôt pour qu’elle y soit déjà, mais de chez moi. Douché, rasé, de barbe et de corps, j’avalai une omelette ; le corps réclamait sa pitance. Bouteille de pétillante vide et cigare écrasé je regardai l’heure. Dix-huit heures quarante-deux. Tôt, bien trop, mais je devais savoir.

Longtemps je frappai, tambourinai même, à m’en faire mal aux mains, avant que cette porte ne s’ouvre enfin.

— Monsieur ! Mais il est trop tôt !
— Je sais… mais j’ai besoin de savoir.
— Pardon, me regarda le patron de la boîte de nuit comme jamais ?
— La femme… cheveux rouges… j’ai besoin de savoir qui elle est.

Je regardais mes pieds, ainsi les enfants baissent la tête lorsqu’ils sont gênés, mais je suis ...

... certain qu’il devait être aussi paumé, sinon plus, que je l’étais.

— S’il vous plaît, murmurai-je.
— Nos cartes sont personnelles mais nous ne demandons aucun justificatif, Monsieur. Que voulez-vous que je vous dise ?

Il avait raison ! Que pouvait-il connaître de plus que moi ?

— Je… Elle vient seule ?
— Monsieur, la discrétion est une règle ici… Sauf si vous êtes de la police.

Un instant j’eus la folle envie de répondre oui je suis flic, mais je ravalai ce mensonge. J’aurais été bien couillon s’il avait demandé à voir ma carte. Je l’aurais réclamé, moi !

— Non… mais… elle me manque.

Je l’avais dit ! À un presque inconnu mais à haute et intelligible voix. Ces quelques mots prononcés me libérèrent d’un poids pesant, écrasant presque. Je les avais tant ruminés que les prononcer fut comme une renaissance. Je n’ai jamais consulté un psychologue, mais allongé sur un divan que je n’aurais pas été plus sincère.

— Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’elle vient toujours seule, vers vingt-trois heures quarante-cinq environ, et qu’elle crédite sa carte d’une vingtaine d’euros. C’est tout ce que je sais.

J’avais enfin une heure, un repère, un but, alors je le remerciai, plusieurs fois, souriant. Je pouvais enfin regagner l’hôtel et attendre, chambre 101, que l’heure soit venue.

À nouveau je les relus ces six mots, porteurs autant d’espoir que d’attente. À chaque relecture le miroir me renvoyait un sourire s’élargissant lorsque mon regard s’immobilisait sur ...