À Paris - Histoires de Sexe

À Paris

... fumées sur lit de poires citronnées réduites en brunoise et couvertes d’un mélange de mâche tombée avec du Saint-Morët. Ensuite petit pot-au-feu de la mer avec petits pavés de haddock, filets de carrelet et rondelles d’espadon grillées, queues de gambas et les petits légumes habituels cuits séparément, mais pas trop. Avec le bouillon et un peu de beurre et de farine, j’ai monté une sauce légère aigre-douce aux câpres. Même moi, ça m’a bluffé.

— Bon, alors là les amis, s’écrie Arnaud, il y a un chef trois macarons Michelin planqué dans votre cuisine. Pas possible autrement…
— Elle est trop petite pour le planquer, répond tranquillement Gwen. Alors je ne l’ai pas planqué, il est avec nous…
— Quoi ? Comprends pas. Sois plus claire.
— Jérôme ? C’est vous, Jérôme, qui avez fait tout ça ? Mais je croyais que vous faisiez HEC…
— Hein ? Quoi ? Mais j’ai encore rien compris, moi. C’est Jérôme ? Noooonnn… Putain, la perle ! Ben, ma vieille, t’as tiré le gros lot !
— Oui, je fais HEC pour apprendre à me vendre. Ha ha ha !
— Non, mais attendez, j’ai fait des grandes tables et, hélas, beaucoup d’autres plus petites. Mais là, ce que vous nous servez est à la hauteur de ces grandes tables. Ça vaut, ça vaut… au bas mot 200 € par personne.
— Je plaisante, c’est ma seconde passion la première étant Gwen, bien sûr. Non, ce n’est qu’un passe-temps agréable et vous êtes mes premiers cobayes.
— Non, mais attendez. Qu’est-ce que vous foutez à HEC ? Vous avez de l’or dans les mains, ...

... je vous jure !
— Arnaud, même si c’était le cas, et rien n’est vraiment sûr, vous imaginez ? Stress quotidien, un énorme emprunt sur le dos, pas de week-ends, pas de fêtes familiales, finir tous les soirs à pas d’heure… Que ça reste un passe-temps qui régale les amis et ce sera parfait.
— Oh là là, Gwen, est-ce que tu le prêtes ton chef ?
— Non, Sophie, ni pour ça ni pour le reste, je ne le prête pas. C’est « mon mien à moi », na !

On a ri, j’allais en oublier le fromage de chèvre réduit en pâte avec des amandes et du miel sur le reste de mâche à l’huile de noisette et balsamique, et une simple tarte aux pommes, cannelle et gelée de coings pour terminer.

— Voyez Arnaud, j’en avais pour moins de cent euros avec les vins. Que des produits simples.
— J’entends bien vos arguments, mais si un jour vous avez besoin d’une reconversion, elle est toute trouvée.
— Peut-être, mais il me manque même les bases. Pour découper ces poires en brunoise, j’ai mis plus d’une demi-heure. Vous savez ? Le tac-tac-tac du cuisinier le long des ongles, je ne sais pas faire.
— Je suis tellement ému par ce que j’ai mangé ce soir, permettez qu’on se tutoie. C’est du détail, ça. Tu apprendras en quelques heures. Tu n’as qu’à t’inscrire dans un cours du soir, si tu as un peu de temps. Non, ce qui compte, c’est le trait de génie. Poires et magrets, encore passe, mais avec un Saint-Morët tout bête et de la mâche, il faut y penser. Et cette sauce avec le pot-au-feu… Vraiment, pour moi c’est ...