1. Les yeux fermés


    Datte: 16/05/2022, Catégories: fh, inconnu, caférestau, cérébral, caresses, préservati, pénétratio, yeuxbandés, confession, rencontre, Auteur: Ludivine de la Plume, Source: Revebebe

    Le concept m’avait séduite d’emblée : un dîner dégustation, les yeux bandés, en écoutant des lectures érotiques. La soirée, organisée par un restaurant libertin de qualité, m’avait été proposée par des amies sensibles comme moi au plaisir des mots et de la concupiscence.
    
    Las, les agendas parisiens étant ce qu’ils sont, elles s’étaient décommandées les unes après les autres, à leur grand regret… et au mien, abandonnée au milieu du gué.
    
    Il était trop tard pour me désister, et puis, après tout, pourquoi ne pas tenter seule l’aventure ? Peut-être même serais-je plus disponible à une éventuelle rencontre…
    
    La soirée était cependant dite « verticale », selon le lexique libertin qui désigne les événements n’impliquant pas de contacts charnels.
    
    Arriver seule n’était pas si facile.
    
    Les autres convives buvant un verre au bar étaient tous en couple.
    
    Par chance une autre personne avait dû venir seule, m’annonça l’hôte des lieux avant de me bander les yeux et de m’accompagner en bas, puis de m’installer à l’aveugle en face du dénommé Florent à qui il me présenta. Nous n’avions tous deux que nos prénoms et nos voix comme points de repère, car comme Florent me l’apprit, il avait choisi lui aussi de se faire bander les yeux à l’étage. D’une voix grave et chaleureuse, il souligna l’origine de mon prénom, Pénélope, disant espérer que ce dîner distrairait mes pensées de l’attente d’Ulysse.
    
    Il s’exprimait avec élégance et sensibilité. Était-il gay ? J’avoue m’être posé la ...
    ... question, m’en voulant aussitôt d’intérioriser un cliché aussi éculé. Sa compagne était malade, il s’était comme moi décidé à venir seul, et se réjouit de ma solitude providentielle.
    
    Nous trouvâmes vite un sujet de conversation dans notre intérêt partagé pour le sexe et le plaisir, sujet inépuisable que les lieux libertins permettent d’évoquer facilement.
    
    Une fois tous les convives installés, nous cessâmes cependant de bavarder pour nous consacrer à l’écoute et la dégustation.
    
    On nous avait invités à nous laver les mains avant de passer à table, et nous mangions avec nos doigts des mets choisis et préparés en conséquence, afin que le toucher fût lui aussi sollicité. L’expérience était surprenante, et me permit de réaliser à quel point la vue nous empêche de profiter pleinement de nos autres sens. Là, le cerveau travaillait sur la base des parfums, des consistances, des saveurs… Il me fallut un moment pour le décider à lâcher prise et renoncer à identifier ce que je dégustais : quelle importance, finalement, qu’il s’agisse de gambas ou de foie gras, de coriandre ou d’anis, de Pessac ou de Chablis ? Pourquoi ne pas me laisser aller à humer, toucher, déguster sans rationaliser ?
    
    Le parallèle avec la sexualité se fit évident : inviter le cerveau à lâcher prise, cesser d’analyser, n’écouter que ses sens…
    
    Entre les plats, le temps allongé par la difficulté d’un service absolument silencieux était comblé par l’écoute d’une histoire érotique, lue à plusieurs voix. Des ...
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