"Et toi, bébé, à quoi tu rêves ?" - Brodsky a le blues
Datte: 15/08/2018,
Catégories:
nonéro,
Humour
Auteur: Brodsky, Source: Revebebe
... Mouais. Je me demandais quand t’aurais le courage de regarder la réalité en face. Tant de temps passé ensemble, et t’écris toujours comme une merde si je te dicte pas tes phrases. C’est désespéré. Un dernier conseil : reste dans ta supérette avec ton boulot à la con ; surtout n’en bouge pas, tu trouveras jamais mieux. T’es pas un mauvais gars, Simon, mais t’es un petit joueur. Et même avec les gonzesses… Juste capable de fantasmer sur ta patronne et de te tirer sur la tige en criant « Oui Maîtresse ! » T’es pas un mec, t’es une victime. Et moi, les victimes, elles me font chier.
Il a rangé quelques affaires rapidement dans son sac, et il est parti.
KO debout, j’étais. Je croyais qu’il voudrait s’accrocher au papier peint, qu’il me menacerait, qu’il me rappellerait tout ce qu’il avait fait pour moi : les premiers prix décrochés aux concours de nouvelles, mes deux bouquins édités par un mécène improbable… Non, rien. Il avait pris son sac et m’avait planté là comme la dernière de ses merdes, sans tirer la chasse, comme d’habitude.
J’ai descendu l’escalier et je suis sorti dans la rue. J’avais des vertiges, je titubais. J’ai bousculé un vieux sans le faire exprès et il est tombé par terre.
— Désolé… ça va ? que je lui dis en l’aidant à se relever.
— Oh oui mon bon Monsieur, moi, ça va… Mais vous, ça n’a pas l’air.
— Juste un coup de fatigue, ça va passer.
— Je suis pas certain. Je vous examinerais bien, je suis médecin. Mais… les aléas de la vie… je n’ai plus de ...
... cabinet. Je suis à la rue.
— Je loue des appartements. J’en ai un qui vient de se libérer.
— Vrai ? Ah ben alors, c’est ce qu’on pourrait appeler, n’est-ce pas, la divine providence ! Paraît qu’il y en a une !
— Je sais pas. L’ancien locataire n’était pas très propre, c’est dans un état lamentable.
— Oh, mon bon Monsieur, j’ai vécu dans des endroits dont vous n’imagineriez même pas la saleté. Ma femme et moi, nous remettrons de l’ordre. Vous acceptez les animaux ? Parce que j’ai un chat.
— Oui, ce n’est pas un problème…
— Alors mon brave Bébert vous remercie infiniment. Vous vous appelez ?
— Brodsky ; Simon Brodsky.
— Louis-Ferdinand Destouches, mais il faudra écrire Céline sur la boîte à lettres, c’est mon nom d’écrivain.
— Eh bien, Monsieur Céline, c’est d’accord : vous pouvez vous installer, vous et votre famille.
— Merci beaucoup, Monsieur Brodsky. Et passez donc me voir demain pour une consultation. Vous avez une tête, n’est-ce pas, la tête de quelqu’un qui a besoin qu’on l’aide un peu.
Voilà mes chéri(e)s, je vous raconterai une autre fois comment finalement le nouveau locataire s’est révélé pire que le premier et comment il a fallu que je le foute à la porte à son tour. Et puis un soir, en allant chercher des clopes dans le café devant chez moi, j’ai vu le Vieux, assis tout seul devant une bière.
— Salut Hank.
— Salut Simon.
— Qu’est-ce que tu fous là ?
— Je cherche une piaule, j’ai plus un rond.
— Tu n’as trouvé personne pour te loger ?
— Si, mais ...