Avant l'heure, c'est pas l'heure... - Histoires de Sexe

Avant l'heure, c'est pas l'heure...

... fait longtemps que je t’ai repéré.
— Repéré, répétai-je tout bas ?
— Ouai. C’est pas banal, un type qui aligne les verres en boîte sans bouger du bar.
— Repéré…
— OK. Disons que t’as suscité ma curiosité. Normalement, on vient ici pour faire la fête. S’éclater. Enfin. Tu vois c’que je veux dire ?
— Oui. Et donc tu m’as… abordé !
— Abordé ! Tout de suite les grands mots, éclata-t-elle à nouveau seule de rire !
— Tu as bien fait, la rassurai-je de son audace. Et… j’adore ton rire.
— Je sais. Il est merdique, mon rire. J’ai bien essayé d’en changer, mais…
— Ne change rien. Il est charmant.

Elle me jugea. Longuement. Tentant de cerner le vrai du faux. Se demandant si je la charriais ou si, comme avoué, je le trouvais réellement charmant.

— Bon. Je vais danser un peu moi. Tu viens ?
— Je… non, merci.

Je ne la regardai pas se lever. Pas plus que je n’osai quitter du regard les bouteilles alignées derrière le bar, me contentant de vider trois autres bières avant qu’elle ne revienne.

— Me revoilà, crut-elle bon de me prévenir de son retour, avant d’avaler le reste de son whisky-coca. C’est les slows.

Était-ce une invitation, ou me signifiait-elle simplement que, contrairement aux rythmes endiablés des séries précédentes, elle n’aimait pas les musiques lentes et les mains baladeuses ?

— Oui, me contentai-je de confirmer, connement.
— J’aime pas trop quand c’est les slows. Les types y pensent qu’à s’coller et tâter la marchandise.

OK. On était sur la ...

... même longueur d’onde, donc !

— Tu me protèges, hein, si un mec m’invite ?
— Je pense que t’es assez grande pour décliner une invitation. Un autre, lui demandai-je ?
— Ouais. Mais sans alcool, alors. Sinon après, j’réponds plus de rien. Tu fumes ?
— Ça m’arrive, oui.
— Tu m’accompagnes ?

Sans attendre ma réponse, elle partit, me laissant seul commander.

Verre de coca en main, une fois n’est pas coutume, je la rejoignis, découvrant que le lieu disposait d’une cour intérieure où tous les fumeurs se retrouvaient lorsque le manque de nicotine était trop présent pour ne pas s’en griller une.

Quelques couples, malgré l’absence de musique, dansaient un silencieux slow tout en tirant à grande bouffée sur leurs cigarettes avant de s’embrasser. Çà et là, d’autres attroupements fumaient en discutant. Je l’aperçus, assise sur une chaise digne d’un salon de jardin ayant bien vécu, tout en plastique, et d’un vert jadis éclatant ayant viré au pâle avec le temps, cigarette aux lèvres.

Souriante, elle me regarda la rejoindre.

— Merci. T’en veux une, me proposa-t-elle sincèrement en me tendant son paquet ?
— Non. Je ne marie jamais les plaisirs.
— Ah ! Pourtant t’as pas de verre, s’étonna-t-elle de me voir sans une bière ?
— Non. Un seul plaisir à la fois, déclinai-je définitivement son offrande.

Après un léger flottement, elle éclata d’un rire qui résonna dans ce lieu bien moins que dans mon être.

— Tu caches bien ton jeu, mon cochon, dit-elle avant de rire de plus ...