Avant l'heure, c'est pas l'heure... - Histoires de Sexe

Avant l'heure, c'est pas l'heure...

... t’excuses combien de fois par heure, toi ?
— Je…
— Laisse tomber ! J’déconne. Bon allez, à dans quinze jours. Même chaise, même heure. Bye.

Elle disparut comme elle était arrivée. Par enchantement et sans que je n’ose la regarder.

ooOoo

À dans quinze jours, avait-elle dit !

Était-ce la promesse d’un rendez-vous, une blague, ou une manière polie de couper court à cette rencontre ?

Qu’importe ! Quinze jours, c’est quinze jours ! Enfin, quatorze pour être plus exact. Et le samedi en quinze… pardon, quatorze, j’étais là. Même lieu, même heure, même chaise.

Toutes les personnes travaillant dans cette boîte de nuit semblèrent sinon ravies, rassurées que l’un de leurs meilleurs clients soit bien là malgré une absence remarquée d’un week-end. Loin de me flatter, leurs courbettes, encore plus prononcées que d’ordinaire, m’indifférèrent.

— Votre carte, monsieur, m’accueillit le patron en personne en me la tendant.

Après l’avoir passé dans le lecteur, je le regardai fixement.

— Manque 32 euros.
— Je… comment…
— Manque 32 euros répétai-je, sans hausser le ton.
— Je… non… pardon, mais vous devez vous tromper, bafouilla-t-il sans sembler mettre en doute ma parole.
— Non. Manque…
— Trente-deux euros. Mademoiselle, veuillez créditer…
— Non, dis-je calmement. Je ne suis pas à trente-deux euros près.
— Évidemment, Monsieur…
— Je veux juste savoir qui a bu pour trente-deux euros sur mon compte en mon absence.
— Évidemment. Appelez le bar, ordonna-t-il, ...

... contrarié, non pas de mettre en doute ma parole, mais de découvrir qu’un de ses employés offrait, ou, pire, buvait sur le compte d’un client.
— Non. Je lui demanderai moi-même. Tenez.

Carte rechargée, j’allai m’asseoir, comme toujours, sur le siège qui était officiellement le mien. Le barman, sourire radieux, déposa ma bière sitôt que j’eus une fesse de posée. De toute évidence, il avait été prévenu de mon arrivée. Technologie oblige.

— Qui ? lui demandai-je, plutôt que le remercier.
— Pardon ?
— Qui ? Qui a bu pour trente-deux euros en mon absence ?
— Je… Monsieur…
— Qui ? Je veux juste savoir qui.
— Moi.

Cette voix. Ce timbre. Ce grave…

— Vous êtes en avance ce soir, dis-je le plus normalement que je pus, tout en regardant le barman rassuré de ne pas avoir à se justifier.
— Et toi, en retard d’une semaine.
— À dans quinze jours, ce n’est pas à la semaine prochaine. Servez donc à Madame…
— Whisky coca, compléta-t-elle. Madame ! La dame, elle s’appelle Chlo… merci… bah quoi ! Tu vas pas me dire que t’as pas un p’tit nom ?
— Comme tout un chacun, j’en ai même plusieurs sur ma carte d’identité…
— Et je peux en avoir un, insista-t-elle alors que j’étais les yeux perdus dans le vague, et le flair en alerte à respirer son parfum sans pour autant oser, comme lors de notre première rencontre, la regarder.

Ce n’était pas la peur d’être déçu qui m’interdisait de ne pas la regarder. Je savais déjà que, quelle que soit la plastique de cet encore inconnu corps, j’en ...