Ardente Afrique
Datte: 23/09/2021,
Catégories:
couleurs,
cérébral,
Voyeur / Exhib / Nudisme
confession,
initiatiq,
Auteur: Elodie S, Source: Revebebe
... le village est réuni. Un lion affamé dévore en effet le bétail tout près du village depuis deux jours. En regardant les hommes réunis autour de leur chef, j’ai l’impression de voir les cartes postales pour touristes représentant l’Afrique Noire du temps des colonies. Ils se sont en effet recouvert le visage et le corps de peinture blanche, ils agitent leur lance en répétant d’étranges psalmodies et en tournant autour de Habib, le sorcier, qui est en transe. Ils ne sont vêtus que de petits pagnes retenus par une grosse ceinture bleue ou rouge. À chacun de leur pas, ils dévoilent leur sexe qui ballotte. Parmi eux, je reconnais, le cœur serré, Salif. Les femmes, un peu plus loin, tapent des mains et reprennent les incantations des guerriers. Le sorcier se lève et chacun d’entre eux s’en approche pour boire dans un gobelet la potion qui leur donne. Une fois la distribution terminée, les hommes s’égayent dans la savane autour du village.
Nous regagnons, Faty, Amos et moi, l’école, accompagnés de certains élèves. Ils sont très dissipés ce matin, et nous avons un mal fou à les faire étudier. La plupart des filles sont là, mais il y a de nombreux garçons absents. Finalement, Amos en est réduit à les faire chanter des chansons traditionnelles de Centrafrique. L’irruption inopinée d’un adolescent met fin à la chorale. Il se lance dans une diatribe passionnée et tous les élèves désertent leur banc. J’interroge Faty :
— Que se passe-t-il ? Qu’a-t-il dit ?
— Le lion a été tué. Il ...
... était tout près du village. C’est Salif qui l’a abattu d’un coup de lance dans le cœur.
Le mien rate un battement. Nous suivons les enfants vers la case du chef. Un lion, à la crinière ébouriffée, gît à côté de Jean Bedel ; le sorcier récite des psaumes, repris par les chasseurs. Faty m’explique que le gouvernement interdit la chasse au lion pour les réserver aux safaris payants, et qu’il faut implorer les dieux pour éviter qu’ils se vengent de la mort d’un des leurs. Je lui demande où est Salif. Elle me recommande d’être patiente. La cérémonie dure, je suis inquiète. Tout d’un coup, Salif apparaît, le regard fier, la démarche impériale. Il s’arrête, face à son père. Deux hommes se précipitent vers la dépouille du fauve et lui coupent une patte avant, qu’ils remettent au sorcier. Celui-ci la saisit, la montre à la foule puis, brutalement, en assène un violent coup sur le visage de mon homme. Le sang jaillit, il coule sur son torse. Je bondis, Faty me serre le bras avec une fermeté surprenante.
— Elo, calme-toi, je t’en prie. Ce geste permet de calmer les dieux, le lion s’est vengé. Son tueur est marqué pour la vie.
J’assiste, impuissante, au spectacle de Salif, scarifié par les griffes d’un fauve. J’imagine la quantité de bactéries et de virus qu’il peut y avoir là ! Il ne bouge pas, son père s’avance vers lui, le regarde longuement et le prend dans ses bras. Une salve d’applaudissements salue le héros. Je ne sais même pas si son œil n’est pas atteint, car il a tout ...