1. Résonance pour le vide


    Datte: 28/07/2018, Catégories: nonéro, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... gris, et son visage faisait songer à une endive, autant par son ossature allongée que par son teint olivâtre. Elle était mince, de taille moyenne, avec des mains et un nez tout petits, et des lèvres très pâles. Ses yeux bougeaient tout le temps, et ses doigts tripotaient nerveusement sa jupe de coton fleuri, étalée et toute froissée sur ses genoux.
    
    En un sens, son air chétif et presque malingre était touchant, et réveillait les vieux instincts de chevalier servant et de protecteur qui sommeillent en tout homme doté d’un tant soit peu de testostérone. Mais d’un autre côté, elle était aussi dangereuse qu’angélique pour M. Tomaze. Il avait appris très tôt à se méfier de ses instincts de mâle dominant. Et aussi à démêler ses émotions. Chacune d’entre elles contenait en elle son contraire, son deuxième versant ignoré ou redouté, la peine pour la joie, la souffrance pour le plaisir, la culpabilité pour l’innocence. À lui de distinguer le bien du mal, le vrai du faux. Comme un miroir que l’on retourne.
    
    – Avez-vous lu quelque chose de moi ? demanda-t-il abruptement, passant du coq à l’âne.
    
    Elle le regarda d’un air interrogateur et fatigué. Ses yeux ourlés de profonds cernes soulignaient la maigreur de son visage. Une mèche brouillonne de cheveux bruns tombait dans ses yeux, dissimulant l’expression de son regard. Après un moment d’hésitation, elle haussa les épaules. M. Tomaze remarqua que ça devenait une habitude chez elle.
    
    – Non, avoua-t-elle avec franchise. ...
    ... J’aurais dû ?
    
    Il s’éclaircit la gorge – peut-être atteint dans sa fierté d’écrivain – et garda le silence un moment, semblant réfléchir, ses yeux sombres plongés dans la contemplation de la moquette. Puis il la fixa avec une intensité déroutante. Elle détourna la tête, de plus en plus mal à l’aise.
    
    – Je ne vous suis pas très bien, dit-il d’une voix posée. Comment m’avez-vous dit que vous aviez eu mon nom, déjà ?
    
    – Par une collègue, répondit-elle.
    
    Sa voix tremblait un peu.
    
    – Cette personne vous a-t-elle précisé ce que je faisais dans la vie ? insista M. Tomaze.
    
    – Oui. Oui, elle me l’a bien précisé, sans quoi je ne serais pas ici. Comprenez-moi bien, M. Tomaze…
    
    – Justement, coupa-t-il sèchement. J’avoue ne pas comprendre. Qu’attendez-vous de moi exactement ? Vous n’avez pas lu mes livres. Vous n’aviez jamais entendu parler de moi auparavant. Vous n’avez pas d’histoire vraie à m’offrir – si j’ai bien saisi la situation, bien entendu. Mon activité est, si je puis me permettre, une activité trèsspéciale. Vous vous rendez bien compte que dans ma position, je ne peux pas prendre de rendez-vous avec n’importe qui, et pardonnez-moi l’expression, mais je ne peux pas également m’investir à la légère dans un vague projet qu’on me soumettrait. Ce qui explique pourquoi j’ai du mal à vous accueillir à bras ouverts. De plus, arrêtez-moi si je me trompe, mais vous ne semblez pas avoir les moyens de vous offrir un homme tel que moi. Comment comptez-vous me payer ?
    
    – J’ai de ...
«1234...17»