1. Résonance pour le vide


    Datte: 28/07/2018, Catégories: nonéro, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... aux yeux écarquillés. À bien y regarder, Liana lui ressemblait, et peut-être était-ce la souffrance qui leur donnait cette ressemblance. L’une comme l’autre, elles évoquaient un passé, une mémoire emplis de tristesse.
    
    Peut-être que cette esquisse représentait Liana, elle-même.
    
    M. Tomaze ignorait ce que cachait la jeune artiste, mais il devinait une grande blessure derrière son peu d’assurance et son visage inexpressif. À maintes reprises, il avait senti que sa carapace se fissurait, que son audace n’était qu’apparente, que sa confiance en elle n’était qu’une façade ; néanmoins une façade qui ne trompait personne. Et surtout M. Tomaze. Il savait reconnaître ce genre de choses…
    
    Cette jeune fille l’avait intriguée par son air malade, au tout début, puis par son agressivité, et ensuite par ses silences.
    
    Et pour la première fois depuis très longtemps, il avait envie d’aller vers une personne, de lui poser des questions, de l’aider, peut-être.
    
    Déboussolé par cette idée, M. Tomaze resta un long moment immobile, contemplant pensivement le dessin, puis il le glissa dans la pochette et la rangea dans un placard, qu’il ferma à clé.
    
    Toutes ces questions au sujet d’une « fillette » qu’il ne connaissait même pas quarante-huit heures auparavant étaient vraisemblablement stupides. Peut-être ne la reverrait-il jamais, et surtout, en quoi cela pouvait-il le concerner ? Il se sentait plein d’un remords cuisant à présent, à l’idée de ce qu’il lui avait dit avant qu’elle ne ...
    ... sorte. Elle avait eu raison de réagir de la sorte – c’est-à-dire mal. Quelle idiotie avait-elle bien pu lui traverser le cerveau pour qu’il s’avance aussi audacieusement, à visage découvert, vers cette jeune fille dont il ne connaissait rien ?
    
    Mon cerveau sent le brûlé et le cynisme, pensa-t-il.
    
    Et cette pensée ne lui était absolument pas agréable.
    
    Il se dirigea vers le bureau de sa secrétaire – une fade petite personne de trente-cinq ans, vieille fille et toujours habillée de gilets informes et de longues jupes dépourvues de gaieté – et entra sans frapper. Le visage imperturbable de Thérèse Rousseau se détourna de l’écran de l’ordinateur pour le regarder, à peine surpris.
    
    – Monsieur ? s’enquit-elle poliment.
    
    Ce fut M. Tomaze qui se figea de surprise, au milieu du bureau.
    
    – Vous n’êtes pas partie, Thérèse ? fit-il d’une voix étonnée. Et votre déjeuner ?
    
    Elle jeta un coup d’œil à sa montre, puis une légère crispation plissa sa bouche.
    
    – Excusez-moi, Monsieur, j’étais prise par mon travail. La jeune fille est-elle partie ?
    
    – La jeune fille ? répéta stupidement M. Tomaze.
    
    Puis la compréhension lui vint. Thérèse le fixait d’un air proprement douteux. Se pouvait-il qu’elle le prenne déjà pour un vieux gâteux, elle et ses vieilles jupes fanées ?
    
    – Oui, la jeune fille, évidemment, se reprit M. Tomaze avec un raclement de gorge. Oui, elle est partie, bien sûr…
    
    – Quel nom dois-je inscrire sur votre carnet de rendez-vous, Monsieur ? continuait Thérèse, ...
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