1. Femme en copropriété


    Datte: 04/07/2018, Catégories: fh, inconnu, boitenuit, danser, amour, jalousie, cérébral, revede, nopéné, couple, Auteur: Passerose, Source: Revebebe

    ... c’était la détermination de ce Richard.
    
    La salle s’éclaire, les spectateurs abandonnent les fauteuils. Anéanti, je suis le mouvement. Voilà plus de deux heures que j’ai laissé le champ libre, il est temps d’aller au résultat. La maison est dans le noir. Personne à l’intérieur, quelques canettes de coca au salon, toutes les pièces sont vides. C’était à craindre, le godelureau a su être convaincant, il a réussi à enlever ma femme au premier essai. L’exploit mérite le respect. J’en suis malheureux, mais je m’y étais préparé, en déclarant que je ne voulais que son bonheur. Reste à m’en persuader. Un homme qui pleure à chaudes larmes, le caméscope ne doit pas l’enregistrer. Suis-je bête, il y a longtemps qu’il s’est arrêté en fin de cassette. De toute façon, mon malheur est consommé, peu importe le déroulement des faits. Je les ai vécus en direct au cinéma. Que ce cauchemar s’arrête.
    
    On sonne à ma porte ? Marie revient ! Hélas non, c’est la voisine qui veut savoir si les émissions de télévision sont troublées sur notre appareil. Nous vérifions, elle observe mes yeux rougis sans oser de commentaire, et s’en va rassurée puisque mon téléviseur subit les mêmes défauts que le sien. J’ai trop de chagrin pour manger, je vais me coucher. J’aurai d’autres jours pour faire mon deuil. C‘était écrit : je suis cocu.
    
    Sur le lit, une enveloppe blanche : les adieux de Marie. Elle a eu la délicatesse d’écrire un mot d’explication. Pourquoi essayer de se justifier quand on commet ...
    ... l’innommable, pourquoi ajouter à la cruauté du départ un exposé des motifs culpabilisant pour l’abandonné ? Vais-je découvrir toutes les qualités de l’élu qui lui ont valu d’être choisi ou la liste de tous les défauts qui m’ont rendu détestable, la litanie de mes manques, de mes oublis, de mes petites indélicatesses et des plus grosses, tous les griefs accumulés en sept ans de vie commune : toutes ces choses que les femmes au travail dépouillent en commun, l’une excitant l’autre, du genre:
    
    — Le mien abandonne ses chaussettes n’importe où…
    — Et le mien donc qui ne cuisine jamais…
    — Il ne sait pas passer l’aspirateur, passe son temps sur l’ordinateur…
    
    Si c’est pour lire le défilé de toutes mes petites misères à quoi bon ouvrir cette enveloppe en ce moment où j’ai le cœur brisé. Elle m’a quitté, c’est que le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. Le fait est là. Parce qu’en sept ans je n’ai pas été qu’un lamentable nul, j’ai construit un foyer apparemment heureux. Oui, mais les apparences ne résistent plus à la brutale évidence du désastre. Richard a poussé le mur. Le mur s’est écroulé : parce que Richard était fort ou parce que le mur était lézardé ? Le fruit tombe quand il est mûr, le passant le ramasse. Nous en étions là, et je n’avais rien vu venir jusqu’à ce bal maudit. Richard n’a eu que le mal de se baisser pour la recueillir.
    
    Je me souviens et je pleure. Souvenir d’écolier, Heredia, je crois :
    
    Et moi, lamentable après la merveille de délicatesse ...