1. Promenade un soir d'été


    Datte: 30/06/2018, Catégories: fh, sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... n’apportait aucune paix intérieure. Cette vision infectait l’esprit de toute sa désolation barbare et insensée ; c’était comme contempler une bête crevée, les viscères à l’air. Une nausée brutale, violente, le saisit. Vertiges. Envie de vomir. Vomir… Mauvaise idée, quand on a le bas du visage pris dans un respirateur isolant.
    
    Une idée morbide s’était faufilée au cœur de ses pensées : ôter sa carapace anti-radiations pour exposer sa peau nue à la caresse de la brise. Surpris par l’étrange intensité de cette fascination suicidaire, il avait fini par s’en détourner. Se foutre en l’air n’avait aucun sens. En tout cas, pas tant qu’il n’aurait pas toutes les réponses à ses interrogations…
    
    ooOOoo
    
    En implosant, la galerie commerciale avait piégé sous ses voûtes un bon millier de personnes peut-être, transformant son lacis de boutiques dérisoires en autant de sépultures. Manon et Élodie se trouvaient-elles sous les gravats ? Alain en doutait. Au moment de l’impact, sa femme était en route pour le rejoindre, délaissant sa voiture inutile pour emprunter le métro. Il l’imaginait, leur petite fille dans les bras, en train d’affronter la cohue aveugle prenant d’assaut les dernières rames disponibles…
    
    Le hasard de ses pas avait mené Alain devant la station de métro de Créteil-Soleil. Du moins, ce qu’il restait de ce bâtiment assez bas, qui avait plutôt bien résisté à l’effet de souffle. Lorsqu’il franchit le cadre éventré des portes métalliques, ses bottes crissèrent sur des ...
    ... fragments de verre. Des débris de toutes sortes encombraient le couloir : de larges plaques de plâtre moisi, décrochées des murs et du plafond, du mobilier urbain concassé, des pieux de métal, même un vélo, plié en deux. Et bien sûr, des cadavres par dizaines. Alain fit trois pas, puis se pencha pour ramasser un jouet : une poupée chauve au visage de plastique fondu. Son cœur se serra. Cela aurait pu être celle de Manon… Sa fille, si frêle, si innocente, et qui lui manquait tant !
    
    Au-delà du coude que formait le couloir vers la gauche, la station de métro semblait épargnée. Les marches escamotables des escaliers mécaniques luisaient dans la pénombre, comme prêtes à reprendre vie. Alain emprunta le sombre passage, enjambant les squelettes tout en se tenant à la main courante. Malgré toutes ses précautions, sa botte ferrée heurta un crâne qui se détacha et se mit à rebondir de marche en marche, profanant le silence de l’édifice. S’attendant presque à se faire rabrouer par un contrôleur, Alain se hâta de descendre.
    
    Il se faisait l’effet d’un cosmonaute explorant les vestiges d’une civilisation qui viendrait tout juste de s’autodétruire. Harnaché comme il l’était, il eut toutes les peines du monde à s’affranchir du portillon donnant accès aux voies. Nulle rame immobilisée ici à l’instant crucial. Juste un quai vide bordant une tranchée de béton mutante, transformée à la va-vite en fosse commune. Comme si après l’attaque nucléaire, on avait pris soin de dégager la plateforme en ...
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