1. Promenade un soir d'été


    Datte: 30/06/2018, Catégories: fh, sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... repoussant tous les cadavres sur les rails.
    
    Alain se tenait au-dessus d’une mer de crânes ricanants, hypnotisé par leurs orbites vides. Que fichait-il donc là, tout seul face à cette abomination ? Quel signe cherchait-il encore ? Il n’y avait rien ici. Rien, à part la mort et l’affliction ! Il ferma les yeux pour prier en silence. Oui, lui, l’athée convaincu…
    
    Mon Dieu, faites que je puisse les revoir. Je vous en prie !
    
    Quand il dessilla les paupières, tout avait changé. Une aube incertaine régnait sur le quai, qui bruissait à présent de la foule des banlieusards se rendant au travail. Des dizaines de personnes se trouvaient autour de lui ; certaines téléphonaient, d’autres lisaient, baillaient ou discutaient entre elles. La plupart, immobiles, attendaient sans rien faire. On ne semblait pas le remarquer en tout cas, même si d’instinct les voyageurs s’écartaient de cet intrus en combinaison jaune flashy.
    
    C’est pas possible ! Je deviens dingue…, songea-t-il, presque détaché.
    
    Non. S’il y avait bien quelque chose de fou là-dedans, c’était qu’autant de personnes acceptent de s’entasser ainsi de bon matin. Son voisin, un frêle jeune homme encore ébouriffé de sommeil, lisait un journal qui traitait de la crise ouverte entre Israël et l’Iran en première page. À travers le brouillard sale de sa visière, Alain parvint à distinguer la date de l’édition : vendredi 2 septembre 2016…
    
    La seule chose qui importait, ce n’était pas tant l’explication de ce glissement ...
    ... temporel, mais de prévenir les gens de ce qui allait arriver ! Il devait à tout prix les convaincre de quitter la région parisienne ! Dégageant la fermeture de sa combinaison, Alain ôta son heaume et arracha son respirateur. Au diable la radioactivité ! Il prit une longue inspiration. Aussitôt, l’air nauséabond chargé d’ozone et de relents de pots d’échappement lui irrita la gorge.
    
    Avisant un banc, Alain grimpa sur ce qui pouvait servir d’estrade de fortune, avant de se lancer dans une harangue improvisée :
    
    — Écoutez-moi ! Écoutez tous, je vous en prie… Vous êtes en danger ! Demain, à dix-sept heures, il y aura une attaque nucléaire sur Paris. Vous devez partir ! Fuyez les grandes villes ! Si vous voulez les voir grandir, emmenez vos enfants loin d’ici !
    
    Hurler dans le désert n’aurait pas eu plus d’effet… Durant près d’une minute, il gesticula en vain devant des voyageurs apathiques. Apparemment, les seuls que son discours avait fait fuir étaient le couple de pigeons qui tout à l’heure se disputaient les miettes sur le banc. Redescendant de son perchoir, Alain tendit alors la main vers l’homme au journal, dans la ferme intention de le faire réagir en le saisissant par le coude. Mais en lieu et place de la chair osseuse de cet inconnu, ses doigts ne rencontrèrent que le vide.
    
    Bon sang ! Mais qu’est-ce qui se passe ?
    
    Pas le temps de s’interroger ; une rame avait abordé le quai et déjà elle engloutissait la foule impavide. Le ressac de cette multitude anonyme, à présent ...
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