Demi queue - Histoires de Sexe

Demi queue

... fissa » ! Ensuite, avant de changer de sujet, tu me dis la vérité. Qu’est-ce qui a traversé ta tête de nœud, quand tu as réalisé que j’étais une beurette, hein ? Ose prétendre que tu n’es pas parti dans des délires sur les femmes arabes ! Heureusement que le piano est un demi-queue, lui, j’en dirais pas autant de toi !

Elle doit être folle de rage, pour commencer à me tutoyer et m’insulter de la sorte. Si seulement je pouvais trouver les mots pour l’apaiser. Au moins, qu’elle veuille bien m’écouter. Mais pour lui dire quoi ? Elle a entièrement raison. Ma tête est pleine de fantasmes sur les noires, les jaunes, les maghrébines ou les cubaines. C’est inscrit en moi comme en une majorité de gars de mon genre, depuis les bancs de l’école. C’est détestable, mais comment y échapper ? Quelle leçon.

Malgré sa colère, il me semble toutefois percevoir une toute petite chance de me faire pardonner. D’ailleurs, volcanique comme elle est, si tel était son désir, elle aurait pu cracher son fiel par terre depuis longtemps et s’en aller. Lueur d’espoir…

— Je… je crois bien que tu as raison. C’est vrai que j’ai la tête pleine d’images stupides…
— Pas trop tôt. Stupides comme quoi ?
— Comme de penser que vous avez toutes le minou rasé et doux comme un abricot, des mamelons foncés, des hanches larges, un ventre sculpté pour la danse…
— Tu te sens très con, maintenant… ?
— Non, très triste.
— Et pourquoi ?
— Parce qu’en disant ma phrase imbécile, au moment où je te découvrais, ...

... quelque chose de complètement différent se passait en réalité dans mon cœur.
— Continue, tu mens si bien…
— Indépendamment de ce qui sortait de ma bouche, l’image d’une femme belle, sensuelle, drôle, intelligente, surprenante se gravait en moi. Une femme qui me touche, dans sa séduction comme dans sa colère, une femme dont j’ai envie, en dépit de ce que tu insinues sur la taille de ma queue, une femme…
— C’est un programme politique que tu récites là ?
— Non, un projet de vie.

Elle s’approche à nouveau de moi, pose un doigt sur mes lèvres. Son visage s’est détendu, ses yeux me scrutent, presque tendrement.

— À court, moyen ou long terme ?
— Jusqu’à demain matin en tout cas, après c’est à toi de voir…

Elle se glisse contre ma poitrine, prend ma taille entre ses bras et se laisse aller en me serrant très fort.

— Tu sens l’homme honnête. J’ai envie de te donner une chance. Une toute petite chance. À toi de choisir le programme, je veux bien prendre le temps de te découvrir un peu mieux en musique.
— Et si tu es encore là à la fin du dernier morceau, je pourrai écrire Ya Hbibi sur la peau de ton ventre ?
— Bien, le musico, bien… Quand tu te donnes de la peine, tu sais parler aux maghrébines. Mais ne te fais pas d’illusions, c’est toujours nous qui choisissons où cacher nos tatouages ! Joue, maintenant, donne-toi du bout des doigts !

Je lui demande quelques minutes pour organiser mon audition. Magnanime, elle me les accorde. D’autant qu’elle souhaite aussi se ...