1. Flora, une femme complexée ou comment conjurer le bonheur


    Datte: 01/06/2018, Catégories: fh, complexe, fête, amour, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe

    ... ensuite que je vous juge extrêmement séduisante, mais, plus que tout c’est la pudeur de votre beauté que j’apprécie. Je n’aime guère les fleurs trop chamarrées qui flattent l’œil sans réchauffer le cœur, j’estime particulièrement celles qui, sobres, savent amadouer par des arômes subtils. Plutôt que d’étaler vulgairement vos attraits, vous préférez les suggérer et surtout semblez les ignorer. C’est dans ces moments où vous vous efforcez de n’en rien laisser paraître, que vous êtes la plus admirable, imposant toute votre classe et de la majesté.
    
    L’emphase grandiloquente du compliment la fit se redresser et ses yeux rencontrèrent alors cette femme opalescente et longiligne, totalement dévêtue que coiffaient deux immenses fruits vermillon. Elle massait de sa main effilée la cuisse nue de l’homme qui la suivait. Oui, cette belle parée de son aplomb serein était pleine de majesté, et elle aurait volontiers accepté de se fondre en elle.
    
    — De la majesté, s’esclaffa-t-elle néanmoins, vous déraisonnez !
    — Non, j’ai bien dit ! La classe fuit l’outrance et s’expose avec pondération, se fait rayonnante par sa discrétion. Si j’en avais encore douté, ce soir vous me l’avez splendidement démontré. Vous ne vous en êtes pas avisée, mais toute la salle s’est retournée à votre passage. À l’inverse du polichinelle qui, à vos côtés, a besoin de s’agiter pour se faire remarquer, on vous distingue sans que vous ne vous exhibiez. Je présage aussi en vous une intelligence vraie, nourrie par ...
    ... une incontestable et saine émotivité qui lui évite de se perdre en vaines élucubrations. Enfin, je cède peut-être à l’attirance des contraires.
    
    Tandis qu’elle l’écoutait, elle secoua plusieurs fois sa tête en signe de dénégation tout en se laissant emporter par une fantasque exigence de le croire. Il reprit :
    
    — Quand je vous ai vue esseulée lors du mariage de ma cousine, très digne et un peu triste, j’ai tout de suite éprouvé une envie folle de vous serrer dans mes bras. Je n’ai pas fait exprès de vous inonder, mais j’aurai pu, j’aurai dû. Parlez-moi à votre tour de ce que vous aimez.
    — Je vais vous ennuyer !
    — Pas du tout.
    — Ce sujet vous sera trop commun !
    — Vous excitez ma curiosité. De quoi s’agit-il donc ?
    — Mais de vous, évidemment !
    
    Là, il fut sidéré, il ne s’attendait pas à aveu si franc et direct. C’est bien ce que je pensais, elle n’est pas timide, se dit-il et il s’en éprit davantage. Ils avalèrent leur café, puis, pendant qu’il réglait la note, elle s’abîma une dernière fois, envieuse, en ce jardin luxurieux dont les divins auspices avaient furtivement accueilli leurs agapes, les entourant d’une tonalité sensuelle qui la laissait toute lascive. Elle fixa, ce qui lui parut être deux amants isolés dans le cristal de leur bulle, et s’évoqua en pareille situation. Ils sortirent, enfilant la rue qui s’ouvrait face à eux et y firent quelques pas, déconcertés par la douceur de la nuit. Elle vit les étoiles tourbillonner et l’en avertit :
    
    — Arrêtez-vous, je ...
«12...789...19»