Flora, une femme complexée ou comment conjurer le bonheur - Histoires de Sexe

Flora, une femme complexée ou comment conjurer le bonheur

... souvenant de sa main s’égarant sur ce qu’elle présumait être le genou d’Yvette lors du mariage d’Alix.

— Je vous préfère nettement avec les cheveux détachés qui vous donnent un air beaucoup moins intransigeant. C’est pour moi que vous vous êtes faite si belle ?
— Ne commencez pas à me débiter vos boniments… non, c’est à mon intention. Et sachez que je ne prétends pas être belle, je me perçois plutôt figure de carnaval, répondit-elle un peu sèchement.

Il ne put saisir ni le poids ni le fondement de cette assertion. Dans son miroir, une heure plus tôt, elle n’aurait en effet pas hésité à se trouver magnifique si elle ne s’était reconnue. Elle avait dès lors rompu le charme et oscillait entre deux positions, l’une qui lui présentait une splendide jeune femme et l’autre, inconcevable, qui lui clamait que c’était elle.

Écartant sa serviette, elle découvrit une ravissante rose rouge disposée sur son assiette.

— Faut-il que j’y voie une déclaration ?
— Il me fallait bien célébrer Flora, répliqua-t-il. Au reste, laissons cela, nous y reviendrons au dessert sans quoi vous m’accuserez encore de ne vouloir consommer ici que l’entrée.

Le garçon qui s’avançait pour s’enquérir de leur choix lui permit de détourner la conversation.

— Je vous propose un repas au champagne. Commençons dès l’apéro, il nous accompagnera avec des huîtres, si vous aimez cela, et nous suivra dans la dégustation des fameuses soles à l’orange qui font la renommée de l’établissement.

Il fut ...

... ensuite, à l’égal de chez Alix, charmeur et charmant, grave et léger successivement, n’oubliant jamais de prendre son avis et écoutant ses commentaires dont il fit grand cas. Plusieurs fois, ils levèrent leurs coupes pour saluer leur communauté d’idées.

Elle s’hallucinait de son visage radieux et quand elle perdait son regard au-delà, elle distinguait ces processions de femmes nues et diaphanes entourées d’oiseaux fabuleux au sein d’un jardin idyllique produisant des fruits insolites. Sous des fontaines baroques, elles la conviaient dans leur ronde fantasmagorique qui l’absorbait dans un monde onirique et prodigieux.

Tout, décidément, conspirait à l’entraîner dans un songe merveilleux.

Il ne lui fit pas du genou et elle s’en offusqua presque. Pourtant, lorsqu’à la fin du repas, il voulut serrer sa main, elle la lui refusa en déclarant dans un souffle :

— Vous vous méprenez, je ne suis pas une femme pour vous.
— Et qu’est-ce donc qui vous fait penser cela ?

Au lieu de répondre, elle l’assaillit de nouvelles questions :

— Combien de femmes invitez-vous ainsi, déposant une rose dans leur assiette ? Et singulièrement, qu’est-ce qui me vaut de compter parmi elles ? Sauriez-vous avancer une quelconque raison qui expliquerait que vous vous encombriez de moi ?
— Je ne manque assurément pas d’arguments, je suis hélas très incertain quant à la façon dont vous les entendrez. Considérez d’abord que je ne connais de Flora que vous et trouve plaisant de la fleurir. Sachez ...