1. Flora, une femme complexée ou comment conjurer le bonheur


    Datte: 01/06/2018, Catégories: fh, complexe, fête, amour, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe

    ... avait pas répondu. Le mot suivant l’attendait :
    
    Elle lut le message et s’en réjouit. Elle le relut et s’irrita de s’en réjouir, le relut encore et se fâcha : comment osait-il la manipuler et la coincer ainsi ? Elle ne pouvait se plier à ce chantage inconvenant… et pourtant, elle en avait si forte envie ! Elle risqua un mensonge en écrivant :
    
    La repartie fut laconique et instantanée :
    
    Elle exulta et s’emporta jusqu’à rétorquer immédiatement :
    
    Aussitôt son ordinateur émit le signal propre à la réception d’un courrier :
    
    Ils restèrent sans échanger le moindre mot pendant ces dix jours. Le premier, elle regretta d’avoir accepté, puis au fil des suivants, elle se laissa gagner par une frénésie inconnue. Peu confiante dans ses goûts, elle profita du passage de son amie d’enfance, Élodie, pour écumer les boutiques. Il en résulta des scènes mémorables :
    
    — Conviens que c’est tout à la fois trop court et trop moulant.
    — Au contraire, elle te va à ravir, mais n’est pas assez décolletée.
    — Elle est exagérément bariolée, on ne verra que moi.
    — Il ne verra que toi, c’est ce que tu brigues et pour une fois que tu décides de t’habiller autrement que d’un tailleur gris…
    — Oui, bien sûr sauf que loin de m’habiller, tu me déshabilles. À t’écouter, je vais finir par y aller nue !
    — …
    
    Avec le choix d’un parfum, on atteignit à l’apogée de cette comédie. Même les plus discrets lui paraissaient violemment capiteux. Elle finit néanmoins par se ranger aux avis d’Élodie, ...
    ... plus par peur de la vexer que par conviction et en se demandant si elle revêtirait ces nippes. Celles-ci pourtant, tout en étant admirables n’avaient rien de déraisonnables.
    
    Ce fut désormais avec impatience qu’elle attendit ce moment, qui, pour redouté qu’il avait été au début, devint de plus en plus ardemment souhaité. Lorsque ce mercredi soir, après avoir cédé au rite du coiffeur, elle revêtit sa tenue, elle se moqua d’elle-même en se disant :« Je me fais penser à ces jeunes hommes empesés qui, à l’occasion d’un entretien d’embauche inaugurent un costume cravate, à la différence près, qu’en ce qui me concerne, il s’agit d’un entretien de débauche ».
    
    Quand elle pénétra dans la grande salle du restaurant son cœur battait à tout rompre. Frédéric était déjà là et vint au-devant d’elle, subjugué par la jeune femme qu’il accueillait. Sous la grisaille d’une mise trop ample, il avait soupçonné un corps exquis, sous la rigueur d’un imposant chignon et la sévérité des traits, il avait pressenti une physionomie avenante. Ce qu’elle lui offrait dépassait amplement ses plus vives espérances et n’était tempéré que par la légère crispation du sourire. Il la conduisit à une table d’angle située au fond de la salle et s’installa non en face d’elle, mais perpendiculairement, juste sous l’énorme reproduction du panneau central du « Jardin des délices » de Jérôme Bosch (*) qui justifiait l’enseigne de la maison. Ainsi placé, il va me faire du pied ou pire sans tarder, se dit-elle en se ...
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