1. Flora, une femme complexée ou comment conjurer le bonheur


    Datte: 01/06/2018, Catégories: fh, complexe, fête, amour, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe

    ... les égarements de l’amour. Il l’avait vue belle, là elle se fit sublime associant sur son visage béatitude et tourment, allégresse et affliction, violence et passion. L’extase révulsait ses yeux, un rictus étonnamment séduisant distordait sa bouche et son corps ondulait, agité de soubresauts orgasmiques.
    
    Jamais, même au cours de ses deux indigentes expériences antérieures, elle n’avait seulement pressenti les délices des fureurs présentes. Il lui avait toujours paru évident que si l’assouvissement des instincts primaires pouvait s’accompagner de sensations voluptueuses, celles-ci restaient incapables d’altérer l’entendement. Là, subitement, elle s’aperçut qu’elle atteignait au sommet quand, précisément, son discernement s’évanouissait. C’était comme si son corps disposait de perceptions autonomes, détachées du cerveau, qui ne se réveillaient que lorsque la vigilance de sa conscience se dissolvait. Le thésaurus de cette langue corporelle était réduit à quelques superlatifs torrides et puissants tels que : éruption, vertige, brûlure, déflagration, engloutissement, annihilation, chute, vide, fusion. Oh, certes, en ce moment, Flora résonnait bien plus de ses émois qu’elle ne raisonnait sur ces doctes idées, néanmoins si elle avait dû les transcrire, c’eût été approximativement ainsi.
    
    Elle, palpitait au gré des bourrasques qui la tordaient, des paquets de mer qui la disloquaient, des coups de vent qui l’ébranlaient. Et soudain, à l’issue de ce vibrant crescendo, la tempête ...
    ... l’emporta. Ce fut interminable et pourtant si bref, elle rompit le dernier cercle et sa raison chavira, sa vue se brouilla, elle se fit enlever dans la chevauchée sauvage des walkyries qui déchira ses tympans, elle se sentit raidie dans une prodigieuse érection qui la convulsait sur celle de son amant, ainsi qu’une torche crépitant dans l’obscurité suffocante d’une ardente nuit. Il n’y eut ni cri, ni râle, mais un barrissement tonitruant tandis qu’elle se répandait toute entière sur le glaive sacré qui la transperçait. Puis ce fut le bouquet final qui écartela tout son être, le dispersant en gerbes incandescentes dans les nues.
    
    Elle émergea, mille ans plus tard, de ce céleste anéantissement, bercée par cette idée qu’elle avait su se laisser aller, sereine, à son désir. Sa seule déception fut la brièveté de l’ultime éblouissement. La nature humaine est mal faite, se dit-elle avec une pointe de dépit, mais un éblouissement qui dure n’est-il pas garant de cécité ? Elle venait cependant de découvrir son corps autrement, de ressentir que celui-ci possédait des viscères capables de se nouer en des contractions affreusement jouissives et en avait déduit que le bonheur n’était pas que l’évanescence d’un mot vide, mais qu’il pouvait se traduire en éléments très concrets : l’affermissement d’un téton, un flot d’humeurs bouillantes jaillissant entre les cuisses. Elle avait aussi oublié de se penser disgracieuse, s’était même sentie belle, allumée de la flamme qui la consumait. Cette ...
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