1. Flora, une femme complexée ou comment conjurer le bonheur


    Datte: 01/06/2018, Catégories: fh, complexe, fête, amour, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe

    ... lucidité, hélas, n’allait pas durer.
    
    Connurent-ils d’autres transes cette nuit ? Il lui semblait que oui, mais le ravissement de la première avait ouvert derrière lui un trou noir qu’elle ne voulait pas dissiper. Il la quitta au point du jour, comblée. Elle s’endormit bercée par les plus douces sérénités et la sensation que le sexe de Frédéric demeurait prisonnier de ses tréfonds, caressait toujours ses intimités.
    
    -ooOoo-
    
    Une crise d’angoisse la réveilla. Haletante, elle se redressa sur son lit, prise d’une insurmontable panique. Tout ce qui au cours de cette nuit paradisiaque lui était apparu si limpide s’obscurcissait et ses obsessions resurgirent la conduisant à se dire :« Il m’a bien eue ». Elle se leva et traversa le salon où l’exuvie de sa toilette de la veille traînait sur le sol. Tremblante et nauséeuse, elle jeta un regard de mépris à cette tenue qui l’avait si honteusement servie.« Maintenant qu’il m’a épinglée à son tableau de chasse, je n’entendrai plus parler de lui ». Cette pensée comprima sa poitrine d’une douleur si violente qu’elle redouta de s’étouffer.
    
    Une idée aussi foudroyante qu’insensée s’empara de son esprit : et si ce n’était pas elle que Frédéric avait courtisée ? Insidieusement, ce doute pernicieux se propagea jusqu’à l’investir intégralement. Bien sûr, il s’était mépris sur sa personne, et pire, c’était elle qui l’avait aiguillonné dans cette voie, s’était faite le véritable auteur de cette duperie. Lorsqu’un cerveau malade, accablé ...
    ... d’incrédulités, s’arrime à quelque hypothèse totalement déraisonnable, il la justifiea posteriori par un argumentaire d’une logique implacable dont la rigueur l’aveugle et l’empêche de remettre en cause les prémisses erronées.
    
    Comment et pourquoi s’était-elle donc fourvoyée à tenir un rôle qui ne lui revenait pas ? Ni le vêtement ni le verbe, pas plus que son assurance, sa nonchalance ou l’absence totale de retenue quand ils firent l’amour ne lui correspondaient. Le temps d’un éclair, elle le suspecta même de l’avoir droguée.
    
    Elle se remémora aussi certaines de ses amies qui lui avaient confié s’être ainsi métamorphosées dans le dessein de séduire et qu’elle avait mises en garde contre de telles simagrées :« Il faut qu’il t’aime telle que tu es et ces mystifications ne peuvent que vous embrouiller ! » Après avoir été pourvoyeuse de bons conseils, allait-elle céder aux sirènes qu’elle avait dénoncées ?
    
    Elle s’imagina sous les traits de la créature du soir précédent, s’évoqua entrant dans le restaurant un peu chancelante sur des talons auxquels elle n’était pas accoutumée, sanglée dans une robe qui affichait outrageusement son galbe, riant à gorge déployée, se cambrant sur son siège, la tête rejetée en arrière pour mieux gonfler son cou de cygne et darder un buste conquérant. Elle s’entendit répondre avec brio aux saillies de Frédéric, se revit trinquer afin de célébrer ses meilleurs mots. Elle se sentit enfin, accrochée tout alanguie à son bras tandis qu’ils quittaient ...
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