1. [Sci-fi] Fièvre rose (5)


    Datte: 17/05/2018, Catégories: Divers, Auteur: Narcisseique, Source: Xstory

    ... rêve aussi tôt. Je suis exténué. Alertée par le silence, je m’interromps dans ma lancée et me retourne. Je n’ai pas été suivie. Intriguée, je rebrousse chemin jusqu’à l’ouverture du puits qui m’a conduite dans un bas fond souterrain désertique. Je remarque calmement que mes poursuivants forment un bouchon qui obstrue le puits. C’est un peu absurde, mais ce n’est pas réel après tout. Je suis de plus en plus triste de ne pas me laisser emporter par la magie des lieux. Enfin, j’ai tout de même craché mes poumons pour échapper à une menace illusoire. Je me sens partir et panique.
    
    Mon corps encaisse tout à la fois le choc du passage de la respiration amphibie à la respiration aérienne, de mes deux chutes et de la course sans échauffement.
    
    Je m’effondre. Non ! Je ne veux pas me réveiller ! Je ne veux pas me réveiller !
    
    *
    
    — Elle dort comme une pierre. Encore une belle réussite, camarades !
    
    Les opérateurs du sommeil-transe se félicitent de la réussite de l’incubation de Gween en claquant des mains avec vigueur. Les applaudissements résonnent dans la salle blanche. Gween disparaît presque sous le tas de fils.
    
    — Quand même, à notre époque, c’est frustrant de ne pas pouvoir espionner les pensées de nos semblables.
    
    — T’aimerais ça, hein, Kyle ? Voir Gween baiser dans ses rêves ?! Je suis sûr que c’est une sacrée salope quand elle dort !
    
    Mary rit grassement et provoque la contagion de ses collègues, sauf Kyle, qui rouspète avec colère, sans réfuter les propos de ...
    ... son ami.
    
    — Vous êtes cons !
    
    Le groupe trois n’y va jamais avec les gants en dehors de la salle blanche, où l’expression ne s’applique que dans son sens strictement littéral. Les précieux gants en plastique souple sont cependant indispensables pour isoler le patient des bactéries et autres micro-organismes présents à la surface de la peau humaine, de même que l’ensemble de la combinaison que les comparses inséparables revêtent à contrecoeur. Ils aimeraient bien rester nus, se frotter les uns aux autres entre deux câblages, devenus fous du contact physique depuis les fameux évènements.
    
    Comment a-t-on pu en arriver là ? Pourquoi ne peut-on pas baiser en dehors des rêves ? La fine équipe qui a vu sa libido faire un retour triomphant dans leur imaginaire depuis les fameux évènements se tord le ventre de dépit. Ils sont impuissants. L’humanité entière bande mou et mouille sec. C’est en vain qu’ils s’essaient à prendre du plaisir dans l’acte. C’est presque techniquement impossible de toute façon. Des millénaires d’abstinence et de fécondation in vitro, alliée à des modifications génétiques volontaires ont rendu l’espèce impuissante. Ils ont renoncé au sexe pour pousser la chose intellectuelle à son paroxysme.
    
    L’individu s’est individualisé jusqu’à élever le contact humain au rang de superflu. Il n’a plus communiqué qu’avec la machine qui s’est chargée à sa place de synthétiser le savoir commun, duquel le savoir social et sentimental a été exclu. Développer l’intelligence, ...