1. [Sci-fi] Fièvre rose (5)


    Datte: 17/05/2018, Catégories: Divers, Auteur: Narcisseique, Source: Xstory

    Plouf ! Et voilà que je peux respirer sous l’eau. Nageant dans l’immensité d’un océan sans bornes, je me retrouve nue au milieu de gens nus. Nouvelle extraordinaire, je suis pleinement lucide et ne me réveille pas. Cet état de fait m’octroie un pouvoir rare sur la fondation du monde. Je crains que cela gâche mon expérience dans l’hyperrêve. J’intellectualise déjà. J’analyse. Je juge.
    
    Je ne suis pas surprise par ce que j’observe. Mes voisins aquatiques ont des hanches de femmes, un pénis au-dessus du vagin et une poitrine. Ils sont imberbes, mais ont des poils pubiens sous les aisselles et sur la tête. Ni les visages ni les épaules ne prêtent à confusion : ce ne sont pas des hermaphrodites, ce sont des femmes à bite. Je m’offusque déjà quant aux témoignages narrant une identité de genre non binaire, l’androgynie et l’intersexualisation à Fièvre rose. Ce n’est clairement pas le cas.
    
    Je fais amende honorable en réalisant que je suis peut-être l’architecte de ce qui m’entoure. J’aime les femmes; et peu importe si je suis tombée amoureuse d’un transsexuel qui s’affirme non binaire.
    
    Je reste pensive, trop pensive. Difficile de se mettre dans le bain dans ces conditions. Je suis sensible à la fraîcheur et l’humidité pourtant aussi bien que je le serais dans la réalité. C’est vraiment troublant.
    
    Je suis une grande sentimentale, très attachée à l’exclusivité de l’un pour l’autre dans le couple, et pourtant, même consciente, je ne peux réprimer ici un désir de nouvelles ...
    ... rencontres. Ce serait ridicule de ne pas profiter de vivre dans un songe pour être quelqu’un d’autre. Je définis mon rôle. Je regrette aussitôt, maudissant mon absence de spontanéité. J’en ai marre de réfléchir. Rideau.
    
    — Le sujet numéro trois cent quatre-vingt-douze a atteint la maturation à sept heures, zéro deux. Corpulence OK. Maturation sexuelle OK. État psychologique conforme aux attentes. Attend confirmation pour transfert en salle d’éveil.
    
    On peut tomber de l’océan. Je lève les yeux. Du plafond liquide tombe une pluie d’humains. Je manque à plusieurs reprises de prendre quelqu’un sur la tête. Vite relevée de ma propre chute, je cours en aveugle pour échapper aux coups. Haletante, je traverse à toute allure ce qui m’apparaît comme un gymnase vide de meubles. Je suis poursuivie par les projectiles vivants. Tout le monde ici semble m’imiter. Je jure. Je ne profiterais même pas de l’illusion de faire de nouvelles connaissances.
    
    Le gymnase s’affine bientôt pour devenir un long couloir d’autant plus oppressant que le bruit d’un troupeau en battue se fait croissant dans mon dos. Etre poursuivie par des imitateurs ? Quel est donc là mon curieux sort ?
    
    J’atteins un puits en cul-de-sac. Intriguée, mais pas inquiète, je saute dans le trou sans une hésitation. J’atterris rudement sur un banc de sable. Repoussant mes limites d’endurance, je reprends ma course aveugle pour ne pas "mourir" étouffée par un tas de parachutistes sans parachutes. Hors de question de quitter le ...
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