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Souffrance solitaire
Datte: 12/06/2021, Catégories: h, amour, vengeance, cérébral, nonéro, Auteur: Hugo, Source: Revebebe
... difficiles. Machinalement, tandis que je repense à cette période, mon poignet continue son va-et-vient. Il est courant que mes pensées s’égarent du cadre strict de la masturbation pour revenir à l’unique sujet qui m’obsède, et dont j’arrive même quatre ans après à éclaircir certains détails. J’ai cru qu’elle était la gentillesse incarnée, et que sa compréhension et son amitié m’avaient évité une dépression durable. Il m’a fallu longtemps pour me défaire de ces idées reçues, et pour comprendre combien cette femme-là était, peut-être sans même le savoir, d’un machiavélisme terrifiant. De temps à autre, un des hommes qu’elle côtoyait tentait lui aussi sa chance. Comme elle ne faisait pas mystère de son célibat et échangeait quelques mots avec même les plus inintéressantes personnes au monde, la file des prétendants était longue et ne cessait de croître. Elle remettait chacun d’eux à sa place exactement comme elle l’avait fait pour moi, sans leur laisser le moindre temps de répit pour faire le deuil de l’image qu’ils avaient d’elle. Ainsi, mademoiselle entretenait sa cohorte d’amants déçus, qui avaient toujours au fond d’eux cette petite lueur d’espoir. Dix, cinquante, cent, combien d’amoureux transis étions-nous, papillonnant autour d’elle comme des insectes autour d’une lampe, après nous être brûlé les ailes de s’en être trop approché ? Tant qu’elle restera célibataire, la petite partie de nous qui n’a pas renoncé nous maintiendra aussi près d’elle que la ...
... stricte amitié nous le permet. Qu’elle jette son dévolu sur l’un d’entre nous, et elle perdra immédiatement les quarante-neuf ou quatre-vingt-dix-neuf autres, elle le sait pertinemment : le charme cessera d’opérer, nous nous réveillerons avec la gueule de bois et une rancœur tenace envers celle qui nous a dupés pendant tout ce temps. Je ne pense pas que la solitude lui pèse trop : au fond d’elle, sans doute souhaite-t-elle naïvement rencontrer le prince charmant, mais elle doit trouver bien plus grisant d’avoir à ses pieds tant d’admirateurs prêts à tout pour elle. Derrière ses sourires et ses manières de petite fille sage, cette garce nous maintient en esclavage, beaucoup trop dépendants affectivement de celle qui est notre seule amie. Elle n’a pas eu la décence de nous laisser partir au loin pour nous reconstruire ; spectateur désabusé de cette pathétique mascarade, le fait de la comprendre ne m’a pas pour autant permis de m’en soustraire. Avoir testé la résistance des barreaux de ma cage a rendu mon enfermement plus pénible encore, et j’envie l’assurance de ces jeunes insouciants qui semblent penser « je l’oublie quand je veux ». Combien de fois me suis-je masturbé en pensant à celle que je n’aurai jamais ? Combien de milliards de spermatozoïdes, cherchant désespérément un ovule sur un mouchoir en papier ou dans un siphon de douche cette troublante nymphe a fait jaillir, par le fait de sa seule existence ? Combien d’autres paumés solitaires s’écorchent comme moi la main ...