1. Souffrance solitaire


    Datte: 12/06/2021, Catégories: h, amour, vengeance, cérébral, nonéro, Auteur: Hugo, Source: Revebebe

    Allongé de tout mon long sur le lit sale et défait, dans la petite mansarde aux murs suintants d’ennui, je m’adonne aux fades plaisirs de la masturbation.
    
    L’acte mille fois répété a pris valeur de rite, et depuis quatre ans, c’est à chaque fois le même calvaire qui recommence, tandis que je repense à celle qui habite mes jours et hante mes nuits, au corps de Vénus et au visage de Joconde qui me resteront à jamais inaccessibles.
    
    Je n’ai jamais soufflé mot à personne de mes pauvres fantasmes, morne substitut à la réalité, car j’en ai trop honte. Le scénario est immuable et met toujours en scène les deux mêmes acteurs : elle, bien entendu, et un homme me ressemblant comme deux gouttes d’eau. Ou pas tout à fait : peut-être un peu plus grand, un peu plus musclé ; l’honnêteté me pousse à avouer qu’il est aussi mieux membré, il possède une assurance et un charisme que je suis loin de pouvoir égaler, et plus que tout, il fait l’amour à la femme de mes rêves, tandis que je me masturbe, seul sur mon lit, regardant la fenêtre se consteller de gouttes d’eau qui sont comme autant de larmes ruisselant sur mes joues, quatre ans après.
    
    Toutes ces généralités à l’emporte-pièce qui parsèment les séries télés et autres oeuvres caricaturales boursouflées de romantisme béat sont malgré tout solidement ancrées dans l’esprit des gens. Moi-même, qui n’avais pourtant pas connu grand chose de l’amour, j’y croyais. Quelque part, il y a quelqu’un qui pense à moi. Tout le monde rencontre le ...
    ... grand amour un jour ou l’autre. La chance finit fatalement par tourner.
    
    On voit tout le monde autour de soi se mettre peu à peu en couple, puis se défaire, se remettre, tandis qu’on aimerait bien saisir une occasion, sans la trouver. On estime qu’à vingt-deux ans, le jeu a assez duré, et qu’il est plus que temps que pareille chose vous arrive. Et puis, enfin, arrive l’occasion, et sans réfléchir, aveuglément, on se dit : « c’est la bonne ».
    
    Elle travaillait au même endroit que moi, et, dans l’univers très masculin de l’informatique, sa présence seule était comme un rêve éveillé. Sa fine silhouette et ses longs cheveux noirs dansaient dans mes rêves les plus fous, tandis que ma conscience, tenue jusque-là à l’écart de ce projet insensé, se concentrait sur les mêmes petits détails du quotidien que d’habitude.
    
    Le malheur a voulu qu’elle soit sociable, charmante et aimable. Il nous arrivait fréquemment, durant les pauses, de discuter et de plaisanter ensemble. Sa conversation était franche, sans arrière-pensées, presque naïve, et, quand elle se lamentait de ne pas avoir d’amant, elle ne se doutait pas des répercussions énormes que ce genre de phrases pouvait avoir dans la tête d’un homme.
    
    Très rapidement, je me suis emballé. Qu’y pouvais-je ? Avec le recul, j’avais bien évidemment tort, mais quand on manque cruellement d’affection depuis vingt-deux ans et qu’une telle fille vous tombe du ciel, on ne peut nulle part trouver la volonté de résister, d’adopter un point de vue ...
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