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Souffrance solitaire
Datte: 12/06/2021, Catégories: h, amour, vengeance, cérébral, nonéro, Auteur: Hugo, Source: Revebebe
... objectif et de se demander si ce qu’on éprouve pour elle est vraiment réciproque. C’est sans doute la seule période de ma vie où j’ai été grand. Moi, si timide, si falot, si insignifiant, j’ai dû pour lui déclarer ma flamme mobiliser des trésors d’énergie et de courage dont je ne me serais jamais cru capable. C’était l’époque des déclarations intérieures grandiloquentes : marre de cette vie minable, cette fois, ça va changer, finie l’époque où je n’osais plus… Tel le poilu dans sa tranchée avant l’assaut, je crevais de trouille, n’osant quitter la glaise humide dans laquelle j’étais prostré, certes misérable et transi, mais au moins à l’abri des blessures du monde extérieur. Quitte à y rester, autant le faire au grand jour, et pas dans ce trou puant : je rassemble toute la bravoure et les forces qui me restent. Un cri rauque sort de ma gorge tandis que j’escalade le parapet. Je sens irradier dans toutes les fibres de mon être une énergie que je ne me connaissais pas, et je songe alors que j’ai su prendre mes responsabilités, accomplir quelque chose : devenir homme, enfin. Toute cette euphorie s’évapore en un instant, tandis que, fauché en pleine gloire, je m’écroule lourdement, sorti à la lumière pour mieux y mourir. Elle ne m’aime pas. C’est alors qu’on ouvre les yeux : oui, peut-être, elle parlait avec moi, nous nous entendions bien. Et alors ? Non seulement je n’étais que celui avec qui elle partageait la pause de dix heures, et parfois celle de ...
... midi, mais en plus j’étais loin d’être le seul : elle se comportait pareillement avec tous les hommes du service, sans penser à mal une seule seconde, voulant devenir pour nous plus un bon copain qu’un fantasme. Cette nouvelle aurait dû me détruire, me plonger dans une longue et durable prostration : la réaction de mon aimée en a décidé tout autrement. Elle m’a expliqué qu’elle appréciait les moments que nous passions ensemble, mais qu’elle ne m’aimait pas, et que ces choses-là ne se commandaient pas. Elle s’est confondue en excuses, avec un air réellement peiné, tant pour moi que pour elle, vivant ma déconfiture comme un échec personnel. Elle aurait pu se sentir flattée, elle souffrait juste de voir qu’elle venait de chagriner son collègue de boulot, et elle espérait que j’oublierai bien vite cet épisode pénible, afin que tout redevienne comme avant. La situation m’apparaissait comme surréaliste : je me retrouvais seul, mes illusions envolées, avec plusieurs mois d’espoirs et de projets subitement devenus un fardeau trop lourd à porter, et la seule main qui m’était tendue pour me sortir du gouffre était la même qui m’y avait poussé. Après m’avoir refusé son amour, elle me proposait son amitié, et je me suis raccroché à ce que je considérais alors comme un lot de consolation, et que je n’avais pas le courage de refuser. Sur le coup, cette attention a dû me paraître très aimable de sa part, et j’étais content de m’en tirer pour le prix de quelques jours un peu ...