1. Julie et Mariam (9)


    Datte: 24/05/2021, Catégories: Divers, Auteur: ballhin, Source: Xstory

    Paris.
    
    Le réveil sonne. J’ouvre un œil. Me lever est compliqué ce matin, chacun de mes muscles me rappelle le mauvais traitement que je leur inflige depuis deux jours et l’absence de sommeil n’arrange rien. Hier, dans l’espoir d’un miracle, j’ai passé ma journée sur mon canapé, les yeux rivés sur la porte d’entrée.
    
    Je me traîne vers le bureau mécaniquement, routine de ces quatre dernières années. Je ne sais pas quoi faire d’autre. J’ai bâti mon quotidien sur ce boulot, par orgueil, pour prouver à mes parents que j’étais une femme libre et indépendante. Capable de réussir seule, malgré les réprobations de ma mère sur mon statut indigne de simple salariée.
    
    Dès mon arrivée dans le hall, la douleur présente dans ma poitrine depuis notre séparation augmente. Pourquoi revenir ici alors que l’envie n’est plus là ? Par réflexe, je jette un œil sur l’écran de mon téléphone pour la dixième fois de la matinée. Le journal m’indique un appel en absence et un message vocal reçu, numéro inconnu. À l’écoute de ma messagerie, mon sang se glace et je me fige à deux mètres de mon bureau.
    
    « Salut, Jules. On est les filles de Mariam. Alors voilà : tu dois être un bel enfoiré. Je ne sais pas ce que tu as fait à notre mère, mais elle pleure depuis qu’elle est rentrée ! »
    
    Une seconde voix furieuse rugit en arrière-plan.
    
    « Et j’espère qu’elle n’est pas enceinte, salaud ! »
    
    « Arrête, Cathy, ne dis pas ça. On ne peut pas savoir ce qu’il s’est passé. »
    
    « M’en fous, je veux qu’il ...
    ... s’explique ce… »
    
    Le message n’en finit pas. Les filles se défoulent sur la personne qu’elles jugent responsable du chagrin de leur mère et dans cette flopée d’injures, je comprends subitement le pourquoi de « Jules ». Quand Mariam a enregistré mon numéro, par manque de temps, elle a juste tapé « Jul ».
    
    Sortant de son bureau, Paul se dirige vers moi, l’air inquiet. Quelque chose l’interpelle dans mon attitude. Il me relève le menton de son index.
    
    — Toi, tu n’as pas dormi ? interroge-t-il.
    
    À bout de nerfs, je m’effondre contre son épaule et m’agrippe à sa veste.
    
    — Viens, ne reste pas là. Il est temps que l’on ait une petite conversation tous les deux, dit-il d’une voix paternelle en me guidant vers son bureau.
    
    Paul m’observe, silencieux, il attend le bon moment pour engager la conversation. Même si nous émaillons nos journées de jeux puérils pour évacuer notre stress, cet homme peut devenir des plus sérieux quand la situation le demande. Ces longues minutes à pleurer m’ont permis d’évacuer toute la tension accumulée, mais je ne sais pas par où commencer.
    
    — Tu sais que tu peux tout me dire, Julie. On n’a jamais eu de secrets l’un pour l’autre.
    
    — Oui, mais là… c’est différent ! enchaîné-je en sanglotant.
    
    — Pourquoi serait-ce différent avec Mariam ?
    
    Je relève brusquement la tête en hoquetant, ma gorge se bloque.Comment est-il au courant ?
    
    — Parce que tu crois que je n’ai rien remarqué ? Vous avez passé une semaine à vous manger des yeux, vous étiez ...
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