Boucler la boucle (première partie)
Datte: 19/05/2021,
Catégories:
Entre-nous,
Les hommes,
Auteur: Fab75du31, Source: Hds
... passer dans sa tête… il doit ressentir un sentiment d’injustice et d’échec… il doit en vouloir aux décideurs du ST… et il doit aussi m’en vouloir d’une certaine façon d’avoir accepté leur proposition… ».
« Mais pourquoi le Stade Toulousain n’a pas recruté Jérém, alors que c’est l’un des meilleurs joueurs de votre équipe ? ».
« Jéjé n’est pas l’un des meilleurs joueurs… Jéjé est de loin le meilleur joueur de notre équipe… c’est un champion… je pense que s’il a été laissé sur la touche, c’est plus à cause de son « caractère »… ».
« Comment ça ? ».
« Je ne parle pas de « mauvais caractère »… je parle de « caractère », dans le sens de dire tout haut les choses que trop de monde n’ose pas dire… ou dire trop timidement… après, bien sûr, il n’est pas champion de diplomatie… mais il a eu les couilles pour tenir tête à l’entraîneur… il n’était pas d’accord sur certaines stratégies de jeu et sur le choix de certains joueurs… et il l’a bien fait savoir… ».
« Il y a eu des accrochages ? ».
« Oui… mais le fait est qu’il avait raison… on a commencé à bien jouer à la mi saison, quand il y a eu des changements tactiques suite à plusieurs défaites… au fond, c’est pas seulement grâce à ses qualités de joueur que nous avons gagné le tournoi… mais aussi grâce à ses coups de gueule… des coups de gueule qui, au final, lui coûtent son recrutement au ST… si tu savais comment ça me fait chier pour lui… ».
« Je comprends… ».
« Quand le ST m’a contacté, j’ai de suite su que ça ...
... allait créer un gros malaise avec Jéjé… j’ai même hésité à accepter… ».
« Tu ne pouvais pas renoncer à ton rêve… tu l’aurais regretté toute ta vie… ».
« Non, bien sûr, je ne pouvais pas dire non à cette opportunité… mais, putain ! Je ne veux pas devoir choisir entre une carrière pro et mon meilleur pote ! ».
J’ai toujours vu mon pote Thibault bien dans ses bottes, plein de ressources, rassurant ; j’ai toujours vu en lui le gars pur qui il n’y a jamais de problèmes, que des solutions ; alors, de le voir si déstabilisé, ça fait mal.
« Jéjé ne va pas bien en ce moment… » il ajoute « j’ai peur qu’il fasse des conneries… j’ai peur qu’il lui arrive quelque chose… ».
Je suis interloqué par ses derniers mots ; je me dis que si le bomécano est autant angoissé au sujet de son pote, c’est qu’il a des raisons de l’être. Et je me laisse gagner à mon tour par l’inquiétude.
La cigarette rien qu’à moitié fumée écrasée dans le cendrier, ses doigts se baladent toujours nerveusement sur la canette. Après un instant de silence, lourd comme du plomb, il finit par lâcher :
« Nico… maintenant il n’y a plus que toi qui peut veiller sur lui… ».
« Mais pourquoi tu dis ça ? Vous êtes toujours amis quand même… ».
« Je ne sais plus où nous en sommes avec Jéjé… et… » s’arrête net le bomécano, l’air de plus en plus affecté par toute cette affaire, avant de continuer : « le rugby nous a rendu comme des frères, et maintenant, il nous éloigne… notre amitié en a vraiment pris un coup… ...