1. Histoire des libertines (54) : le saphisme au temps de la Belle Epoque


    Datte: 09/04/2021, Catégories: Entre-nous, Les femmes, Auteur: Olga T, Source: Hds

    ... me trompes (...), je me dis que tu n'as pas le droit de faire, par principe, ce que j'ai fait moi, par folie, par emballement, par gourmandise... ». Pour être clair, Colette s’affranchissait de la fidélité, ayant d’autres liaisons, masculines et féminines, tout en exigeant la fidélité de Missy.
    
    Le 21 juin 1910, Missy et Colette signent l'acte d'achat du manoir de Rozven à Saint-Coulomb en Bretagne, le jour même où la première chambre du tribunal de grande instance de la Seine prononce le divorce de Colette et Willy. La maison est meublée aux frais de Missy.
    
    Si Missy ne prend pas ombrage de la liaison de Colette avec Auguste Hériot, l'arrivée d'Henry de Jouvenel dans la vie de son amante, en 1911, sonne le glas de leur liaison.
    
    Lors de leur séparation, Colette ne restitue pas Rozven à sa vraie propriétaire, laquelle abandonne les lieux sans un mot de reproche, en grand seigneur qu'elle reste en toutes circonstances.
    
    Le silence entre les ex-amantes n'est rompu qu'en 1932, quand paraît « Le Pur et l'Impur ». Missy inspire à l'écrivaine le personnage de « La Chevalière ». Colette dira d'elle : « La Chevalière » qui, « en sombre ajustement masculin, démentait toute idée de gaieté et de bravade… Venue de haut, elle s'encanaillait comme un prince ». Colette avait pris la mesure du mal-être de son amie.
    
    Missy goûte peu d'apparaître sous les traits d'une «Chevalière» dont «le salace espoir des femmes» effare, écrit Colette, «le naturel platonisme».
    
    LETTRES A ...
    ... MISSY
    
    Patiemment rassemblées durant un quart de siècle par le collectionneur Michel Rémy-Bieth, les « Lettres à Missy » (voir la biographie) jettent sur l'écrivain une lumière dont la femme ne sort pas vraiment grandie.
    
    D'une tournée à l'autre, de Nice à Bruxelles, Lyon, Marseille ou Tunis, on peut suivre Colette, artiste vagabonde, dans l'envers du music-hall. Des coulisses rendues confortables, au demeurant, par les subsides de Missy, qui veille à offrir à sa femme les meilleurs hôtels. Cancans, commérages, coups de griffes, réception du public, fatigue, dîners.... Dans ses missives écrites à la hâte et un peu répétitives, Colette n'épargne rien de ses petits tracas quotidiens à son « velours chéri ». Sous « l’insupportable enfant », comme elle se qualifie elle-même, perce trop rarement la femme amoureuse. « Mon dieu, comme tu m'as désappris à vivre seule, moi qui autrefois avais une sorte de goût mélancolique et vif pour la solitude. »
    
    Quand, des années après leur rupture, elle voulut se réconcilier avec Colette, la porte de la chambre du Majestic lui fut grande ouverte, d'autant que Colette cherchait elle-même à la joindre pour lui montrer le chapitre qu'elle lui avait consacré dans Le Pur et l'Impur. Missy le lut, parut l'approuver, puis changea d'avis. Les lecteurs de Gringoire tranchèrent, obtenant l'interdiction du papier, jugé amoral. Des années plus tard, Colette publia le volume, inchangé, ce qui fâcha Missy. Mais elle n'était plus qu’une rescapée de la Belle ...
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