Ça ira
Datte: 29/01/2021,
Catégories:
amour,
nonéro,
Auteur: Zébulon, Source: Revebebe
... discutant avec sa meilleure amie que la clé du mystère lui fut donnée. Ce vide en elle, c’était l’amour qu’elle n’avait pas, celui qu’elle ne recevait pas. À bientôt vingt ans, Anne n’avait jamais connu le plaisir d’aimer et d’être aimée. Nombre de ses amies de son âge avaient déjà un compagnon pour les enlacer, les embrasser, les embraser. Elle, était seule, vierge à ce jour de tout contact masculin.
Dès lors son esprit se concentra sur cette unique chose, la recherche, l’attente de l’être aimé. Elle ne l’avait pas encore rencontré, faute d’occasions. Mais nul doute qu’il existait, quelque part, et que lui aussi la cherchait.
Elle fut tirée de ses réflexions par le crissement de pas sur les graviers de l’allée.
*
Dès qu’il l’avait vue, Patrick en était tombé amoureux. Il avait parfaitement conscience que c’était complètement stupide de s’amouracher d’un visage sur un portrait, que si tous les visiteurs du Louvre avaient ressenti la même chose pour La Joconde, le jardin des Tuileries, la place de la Concorde et tout le cours de la Seine de la source à l’estuaire ne suffiraient pas à contenir les amoureux transis, qu’il ne pouvait même pas être sûr que l’artiste n’avait pas embelli son modèle pour contenter son commanditaire, non, rien de tout cela n’avait suffi à souffler cette flamme d’amour totalement irrationnel. Après tout, n’est-il pas dans la nature de l’amour d’être irrationnel ? S’il est bien une chose qui échappe à toute règle, c’est le sentiment ...
... amoureux.
Le visage de la jeune femme s’était gravé dans sa mémoire. Il pouvait, rien qu’en fermant les yeux pour mieux le voir, en décrire le contour d’un ovale presque parfait, en caresser les pommettes couleur pêche, en parcourir les lèvres délicatement charnues, en gravir la douce pente du nez pour mieux plonger dans l’éclat espiègle de ses yeux verts puis venir se perdre dans la soie des cheveux ondulés par un léger souffle.
Il avait, depuis ce coup de foudre visuel, passé beaucoup de son temps à découvrir qui était la femme derrière l’image. À force de questions, de coups de téléphone, de recherches sur internet, de visites, il avait peu à peu tout découvert sur elle. À commencer par son prénom, Anne. Il savait désormais tout ce qu’il pouvait savoir sur sa vie, sur ces presque vingt années passées dans le manoir familial, sur ce portrait, cadeau d’un père aimant à sa fille unique, sur l’absence d’amant connu. Il connaissait maintenant l’endroit où elle habitait.
Et aujourd’hui était Le jour. Aujourd’hui, enfin, il allait à sa rencontre.
La voiture s’arrêta devant la grille du parc.
— Voilà, c’est ici, dit l’homme qui l’avait conduit.
— Alors ça y est, nous y sommes, murmura Patrick. Je préfère y aller seul, vous comprenez ?
— Comme vous voulez…
Patrick sortit de la voiture. Il ouvrit le coffre pour en extraire le cadeau qu’il lui avait apporté. Il franchit la grille et remonta lentement l’allée, s’imprégnant doucement du paysage qu’elle avait contemplé toute ...