Ça ira
Datte: 29/01/2021,
Catégories:
amour,
nonéro,
Auteur: Zébulon, Source: Revebebe
Anne se rapprocha de la cheminée pour réchauffer son corps pétrifié par la froide morsure de Janvier. Les flammes ondulaient sous l’avaloir du grand foyer, comme dansant au rythme de leur propre crépitement. Elle serra ses bras contre elle et accompagna leur mouvement de son bassin, en un balancement qu’un observateur aurait trouvé sensuel. Peu à peu la chaleur irradiée par les braises pénétra ses vêtements et parvint à sa peau, lui apportant pour un temps le réconfort physique dont elle avait besoin.
Son corps se détendit sous l’effet de ce nouveau bien-être, ses muscles cessèrent d’être contractés. Mais cette chaleur bienfaisante ne pouvait rien pour apaiser les tourments qui agitaient son esprit. Les temps étaient durs pour sa famille. Depuis le début de la crise, cela faisait maintenant trois ans et demi, les problèmes s’accumulaient. L’argent avait commencé à manquer, il avait fallu faire des sacrifices. Ce fut d’abord l’entretien du manoir qui en pâtit, les tuiles arrachées par la dernière tempête ne furent pas remplacées. Puis il devint nécessaire de réduire le train de vie familial.
Pour son père, héritier d’un titre de noblesse accordé dans des temps immémoriaux par un roi oublié, ce fut un déchirement de devoir renoncer aux signes extérieurs de la richesse que son rang supposait. On ne reçut plus d’amis à dîner, ce genre de repas étant bien trop dispendieux. Petit à petit, le regard que leurs voisins leur portaient changea.
Anne, fruit de l’été, ...
... détestait l’hiver. Chaque année elle abordait l’automne avec un profond sentiment de mélancolie, redoutant l’arrivée de ces mois glaciaux qui laissaient les arbres du parc nus et décharnés, doutant que le miracle du printemps pût cette fois encore se reproduire. Cette année particulièrement, le passage du solstice lui fut douloureux. Son père, la mort dans l’âme, dut lui annoncer que la grande fête prévue en Juillet pour son vingtième anniversaire devrait être annulée si la situation ne s’améliorait pas d’ici là. Or rien ne laissait présager une embellie dans cette crise qui en touchait bien d’autres qu’eux, et certains plus gravement. L’avenir était incertain, les nuages s’amoncelaient dans le ciel de cette famille autrefois aisée et insouciante.
Mais l’objet principal des tourments de la jeune femme était autre cet hiver-là. La contrariété d’une fête annulée n’était somme toute que le caprice d’une enfant trop gâtée, ce dont elle avait réussi à se convaincre à force d’assauts de raison. La cause de ses tracas était le vide qu’elle avait commencé à ressentir en elle quelques mois plus tôt, un sentiment soudain et inexplicable de prime abord que son existence ne servait à rien, et surtout à personne. Son caractère joyeux devint petit à petit taciturne au fur et à mesure que ce sentiment grandissait en elle. Ses parents ne s’en aperçurent pas, préoccupés qu’ils étaient par les problèmes du quotidien, tendus par la compréhension du changement de leur environnement.
C’est en ...