1. ...d'Api, d'Api rouge...


    Datte: 22/01/2021, Catégories: fh, historique, policier, Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe

    ... discret d’icône sage et muette, relativement cloîtrée au château, la jeune fille s’en était satisfaite : la solitude lui paraissait bien plus supportable que les manières frustes de son époux. Que, d’aventure, il se présente à la porte de sa chambre, et la pauvrette en concevait sur le champ, des maux de ventre, par crainte, répulsion et dégoût ! La chose était heureusement fort rare. N’ayant jamais rien connu de l’amour que les étreintes aussi brutales que rapides du Comte, elle n’en nourrissait aucune frustration et ne connaissait pas le désir charnel.
    
    Les années auraient pu s’écouler ainsi, entre canevas et broderies, banquets interminables et promenades silencieuses avec, pour chaperon, une dame de compagnie, vieille fille et passablement revêche. La jeune fille, de nature mélancolique, n’en ressentait aucune amertume. Du moins, jusqu’au jour…
    
    Jusqu’au jour où Werner était entré dans sa vie ! Dès qu’elle l’avait rencontré, elle avait été troublée par ce beau jeune homme, bien bâti, respectueux et déférent. Elle avait apprécié ses manières, qui sans être, à proprement parler, raffinées, tranchaient pour le moins d’avec les comportements grossiers des hommes du château. Cible privilégiée des brimades du Comte qui lui reprochait pêle-mêle sa sagesse, ses savoirs, sa modération, raillait ses tenues et plus encore, son incompréhensible souci de propreté, le jeune homme s’était trouvé rapidement un point commun avec cette jeune et jolie Comtesse de trois ans sa cadette : ...
    ... l’absolue détestation du Comte ! Quoiqu’en ce qui le concernait, cette haine plongeât ses racines bien plus profondément et depuis plus longtemps !
    
    Attentionné, le jeune érudit avait été rapidement conquis par cette jeune fille calme, cultivée, douce et si naturellement jolie. Pour Dame Kirsten, l’existence de Werner était un don, un miracle, comme si la lumière était entrée dans le triste château et dans sa vie. Les terribles et nombreux interdits qui se dressaient entre eux avaient cependant longtemps contrecarré l’éclosion de leur idylle. Bravement, consciencieusement, le couple avait respecté la loi, les préceptes et usages et fait taire les élans de leurs cœurs.
    
    Mais un soir de banquet, fin soûl comme à son habitude, l’irascible Comte était allé jusqu’à lever la main sur sa femme, devant toute l’assemblée des convives. Une fois de plus, il lui reprochait sa distance, sa froideur. Courageusement, Werner s’était interposé, menaçant le Comte de représailles. Interloqué par cette réaction qu’il n’aurait imaginée, le Comte avait balancé quelques instants, se demandant s’il n’allait pas tirer son épée pour occire l’impertinent. Lueur d’intelligence, éclair de lucidité sur son état et ses capacités à vaincre, le Maître des lieux avait joué l’apaisement, non sans railler quelque peu l’inconscient courage du jeune homme. Levant son hanap, le rustre avait déclamé à la cantonade :
    
    — Vous vous montrez bien téméraire mon ami, ce courage doit être salué et… récompensé comme ...
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