Si le soleil ne revenait pas
Datte: 27/12/2020,
Catégories:
médical,
humilié(e),
cérébral,
portrait,
initiatiq,
Auteur: Harry Hansen, Source: Revebebe
... chances de m’en sortir. Je lui demandai si un écart génésique récent était en cause dans mon désastre, d’un hochement de tête elle signifia que non.
Compte tenu des effets des médicaments antitumoraux, elle m’avisa qu’un échantillon de mon sperme pouvait être préservé en congélation. Comment pouvait-elle m’imaginer, groggy comme je l’étais, m’adonnant au plaisir solitaire dans ce palais de verre ? Le protocole thérapeutique comprenait quatre étapes d’administration d’agents visant à anéantir la production de cellules malignes, induisant également un état sévère de déficit immunitaire ; une pause de dix jours séparait chacune des phases.
J’hésite à évoquer ces trois mois où je fus dépossédé de moi-même. Mis à mal par des nausées, des vomissements incessants, un mal de tête, une mine à donner des frissons et, dès le dixième jour, plus un poil sur le caillou, une apathie profonde m’anéantit. Progressivement, je devins insensible à tout : piqûre, pose de cathéter, transfusion, ponction lombaire m’indifféraient. Je m’évadai dans des songes incohérents. Mes mécanismes de défense contre l’infection devenus inexistants, je fus placé en atmosphère stérile et entouré de soignants vêtus d’uniformes où seuls apparaissaient leurs yeux : la burqa médicale. Plus rien ne m’attachait au monde connu. La maladie ou plutôt son traitement m’expédiaient-ils dans la stratosphère ou me condamnaient-il à la prison sous la garde d’intégristes ?
Lors de la semaine de repos passée dans un ...
... foyer de l’Assistance Publique dont les chambres, à la différence de celles de l’hôpital, étaient ornées de miroirs, un réel désespoir me gagna : impossible d’identifier à ma personne du passé le fantôme que j’étais devenu. Un souvenir cuisant me hantait. Soumis à une surcharge hydrique, j’évacuais des litres d’urine ; le vertige me garrottant à mon lit, mon bras prisonnier de tubulures, infirmières, aides-soignantes et filles de salle mettaient la main sur ma flûte, l’empoignant sans ménagement pour l’introduire dans le col d’un urinoir. Qu’était devenu ce diablotin jadis conquérant et boute-joie : un petit tuyau informe, chiffonné et endormi, incapable de faire rêver quiconque. Il ne m’appartenait plus, il était devenu le hochet de mains étrangères qui me dépouillaient de ma virilité.
Le traitement en milieu hospitalier terminé, ma convalescence fut confiée à une maison médicalisée à Menton. Décharné, sans force, je passai mes journées allongé sur un transat, face à la mer, et m’enfermai sur moi-même. Rechercher la compagnie de pensionnaires âgés et valétudinaires eut été vain. Les avances enfantines de l’unique hôte de ma génération, plus mal en point que moi, me lassaient froid, encore que je comprisse que, pour une jeune femme assurément de belle allure avant que ne survienne son cancer, il était intolérable de ne plus se sentir remarquée et admirée, sinon désirée.
Un brin requinqué, à petits pas et m’appuyant sur une canne, je me hasardais désormais au front de mer, ...