L'île
Datte: 23/12/2020,
Catégories:
nonéro,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... esprit allait et venait au gré de pensées brumeuses. À le voir ainsi s’écorcher les yeux sur les chaînes d’info, à le sentir aussi absent même lorsque les enfants venaient tourner autour de lui en chahutant, elle éprouvait les pires inquiétudes.
Et comme elle le comprenait, comme elle éprouvait de l’empathie pour son désespoir. Que croyait-il qu’elle vivait depuis tout ce temps ? Que croyait-il qu’elle endurait depuis la naissance des enfants et la mort de ses parents ?
La journée la voyait rouler dans sa décapotable, Rubben dans le siège bébé à l’arrière. Faire le tour de la ville, du circulaire. Elle déjeunait d’une salade César près des terrasses en contemplant les cascades d’eau artificielle et toutes ces gigantesques tours qui n’en finissaient pas de la jeter dans l’ombre. Rubben arrondissait ses yeux sur elle. Souriait. Quelle merde. Elle s’en faisait, oui. Elle n’en finissait plus de s’angoisser. Pour ses enfants, pour son mari même. Tout était tellement dangereux.
Est-ce que c’était une vie ? Est-ce que ça ressemblait vraiment à ses rêves d’enfants ? Est-ce qu’il s’agissait d’attendre la mort en trépignant d’inquiétude ? Et c’était pire encore depuis Rubben. Le jour où Karl avait frappé cet enfant au parc, mon Dieu, comme elle avait compris son geste. Mais où est-ce que tout cela allait les mener ? Elle picorait sa laitue, avalait un peu d’eau gazeuse. Gobait un cachet. Elle avait pris goût aux anxios de son mari. Les plantes, l’acupuncture, l’homéopathie, ...
... toutes ces conneries étaient loin derrière maintenant. Même plus visibles dans le rétroviseur de sa décapotable tandis qu’elle filait à toute allure vers la maison. Les choses ne pouvaient plus continuer de cette manière. Il fallait trancher. Trancher dans le vif. Vite et bien. Les tours défilaient en mode horizontal à sa droite, à sa gauche. C’est cet endroit, crachait-elle, cette maudite ville.
Alors, elle l’avait lavé, l’avait rasé de près, lui avait passé un beau costume, et il en avait presque le sourire. Elle rigolait :
— Chéri, je vais te sortir de ce coma. Je vais vraiment t’en sortir. Il n’est pas question que je te perde, pas question que je laisse notre vie se désagréger. Nous allons au restaurant, tu vas bien manger et nous allons discuter.
La nuit s’est installée depuis un moment. Et à cause de cette foutue alarme, il a bien du mal à trouver le sommeil. Il a essayé un peu plus tôt de la réparer mais il n’y entend rien. Son truc à lui : les chiffres. Les chiffres, pas les transpondeurs. Les fils se ressemblent tous, un faux mouvement de sa part pourrait faire sauter la baraque. Il n’y tient pas.Notre technicien viendra demain, a dit la secrétaire. Et Karl d’ajouter au téléphone qu’il y a intérêt à faire vite, que ça presse parce que leur alarme de merde, il a répété les mots, leur alarme de merde, n’a pas tenu plus d’un mois.
Le ponton, c’est un point sensible. La porte d’entrée de l’île. Une porte sans digicode / Une porte sans verrous. Il est nerveux, ...