L'île
Datte: 23/12/2020,
Catégories:
nonéro,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... bateau loin dans le sud, il se souviendrait avec affection de ces jours étranges. Rien de bien excitant au demeurant mais quelque chose travaillait. Le changement arrivait.
Durant ces semaines d’inactivités, il regarda les chaînes d’informations, se gava de spots ternes cadencés par d’invisibles rédacteurs. L’enfer. L’enfer sur terre. Le temps pressait. Les doutes venaient la nuit lui compresser le cœur. Il se réveillait en sursaut, le ventre serré. La main tremblante, attrapait les cachets. Puis se levait, traînait les pieds jusqu’au sofa dans lequel il s’écroulait pour regarder encore et encore les flashs d’info. Les indices financiers s’incrustaient sur Bagdad en feu. Ne savait plus où donner de la tête.
Tu ne sers à rien
Tu es un incapable.
Incapable de les protéger.
Quelqu’un avait parlé ? Quelqu’un lui avait murmuré quelque chose à l’oreille ? Lui, là ? Le présentateur ? Il aurait juré que cette mèche blonde qui dodelinait doucement sous le souffle d’une climatisation avait susurré, lui avait susurré quelque chose, à l’insu des autres, des millions d’autres qui regardaient maintenant les résultats d’un open de tennis enchâsser des funérailles libanaises.
Que ce soit la nuit ou le jour, il pouvait tenir quatre ou cinq heures de rang, sans bouger, sans boire ni manger, l’œil simplement avide de ces éclairages neutres. Lorsque la répétition des mêmes phrases, des mêmes inclinaisons de tête, des mêmes regards compatissants, des mêmes sourires ...
... rassurants, lui devenait intolérable, il jetait sa télécommande contre le mur de gauche. Toujours le même. Ni fenêtre ni tableau de valeur. Ensuite, il entrebâillait la porte de la chambre de ses enfants, les écoutait respirer un long moment. Priait pour qu’on ne les lui prenne pas.
Lorsque suffisamment abruti par les médicaments, il parvenait à sortir de chez lui, il errait, hirsute dans le quartier commercial, observait du coin de l’œil la grande tour sombre, regardait les enseignes lumineuses et les vitrines de luxe emplies de toutes ces belles choses qu’il avait aimées. Montres, costumes, parfums, accessoires. Combien d’argent avait-il claqué dans ce cirque ? Et comme il regrettait, soudain, contemplant son triste reflet dans la glace, de ne plus ressentir cette envie, cette palpitation qui le saisissait si fortement auparavant. Oui, vraiment, il aurait préféré que les choses restent toujours aussi simples. Mais elles ne l’étaient plus.
La nuit, il rejoignait Sophia dans leur lit, respirait ses cheveux, passait son nez sur sa nuque. Et il murmurait : « Je vais trouver une solution, je vais en trouver une ». Puis il attrapait la boite d’anxios et partait se réfugier dans un sommeil sans rêves.
Au demeurant, c’est Sophia qui la trouva cette solution. Un soir, elle le traîna au restaurant, une de ces belles adresses qu’il fréquentait régulièrement avant les incidents. Durant les derniers mois, elle l’avait observé s’enfoncer lentement sans parvenir à lui tendre la main. Son ...