Lutte avec l'ange
Datte: 25/11/2020,
Catégories:
fh,
bizarre,
campagne,
contrainte,
jeu,
délire,
fantastiqu,
sorcelleri,
contes,
Auteur: Pgcm, Source: Revebebe
C’était la nuit de la Saint-Jean, je n’y avais pas fait attention, c’était pour moi une date comme une autre. Elle avait tenu fermement que ce fût ce soir-là et pas un autre, cela ne m’arrangeait pas, mais elle me tenait depuis deux mois en haleine, refusant de me céder sur tout, me faisant miroiter ce moment qui n’arrivait jamais.
Nous avions rejoint en voiture cette guinguette sur la Marne où les mauvais garçons se retrouvaient. L’accordéon grinçait comme de vieilles crécelles. L’alcool était obscur, mais il était fort et c’était ce qui me convenait. Elle avait l’air chez elle, comme dans son élément, elle connaissait l’endroit qui semblait son repaire ; elle connaissait les gens, mais une certaine distance se maintenait autour d’elle. Elle dansait seule. J’essayais de la suivre dans sa ronde ; les gens s’écartaient comme pour éviter son contact ; elle paraissait bouger les yeux fermés, concentrée, comme si le rythme et les mouvements avaient un sens, comme une danse vaudou.
La tête me tournait un peu, cet alcool inconnu me jouait des tours. Je m’accrochais. Elle était très belle ainsi, un peu sombre, ses cheveux comme électrifiés se dressaient par-dessus sa tête comme suspendus. Elle me paraissait plus grande, un petit air d’Esméralda, pieds nus. Quand avait-elle quitté ses escarpins ? Je ne sais plus, pourtant je ne regardais qu’elle. Je ne comprenais pas. Que faisions-nous là ?
La musique maintenant avait changé, des airs tsiganes d’Europe centrale, un violon ...
... grinçant, mais entraînant, qui la faisait tourner vite, comme le tournis qui prenait ma tête. Cette boisson était-elle frelatée ?
Enfin soudain, ses yeux s’allumèrent en s’intéressant à moi, comme si je venais d’apparaître. Elle me dit d’un souffle, « Viens, maintenant », en s’enfuyant devant moi, avec un rire sérieux.
Bien sûr je poursuivis sa course, elle courut plus vite. Nous avions quitté la foule. Dans la lande, elle veillait à maintenir la distance. Nous étions loin maintenant. Le soleil se couchait avec des teintes rouge et ocre. Une ancienne carrière d’argile s’ouvrait devant nous, une argile ocre presque dorée et mate sur laquelle le soleil se reflétait. Elle s’était arrêtée, les pieds enfoncés dans la glaise, me regardant avec son sourire aguicheur :
— Attrape-moi si tu peux.
Je m’approchai reprenant mon souffle, soupçonnant une nouvelle ruse, je me jetai sur elle d’un bond, n’attrapant que sa cheville, nous sommes tombés l’un et l’autre dans cette boue jaune et rouge et la lutte a commencé.
Elle avait choisi le lieu, c’était ici sur son terrain, ma lutte avec l’ange. Incroyablement puissante, une force que je dirais aujourd’hui surnaturelle, et cela a duré longtemps, très longtemps. Elle me défiait, nous nous débattions, déchirions nos vêtements qui glissaient dans nos mains. La chaleur de l’été, et la chaleur de notre effort. Allongés sur cette terre humide et douce, nous glissions. La lutte était violente, mais sans coups, une lutte à mains nues. ...