Sur la plage, moment donné - Histoires de Sexe

Sur la plage, moment donné

« Empannage ! » crie au loin Léonard, notre prof debout sur son bateau, prêt à intervenir en cas de pépin.

La mer est calme avec juste ce qu’il faut de vent. Je reproduis les gestes maintes fois répétés. Je m’équilibre, plie les genoux, saisis la barre, croise, redresse. Manœuvre réussie, je descends le vent. Devant moi, les plus aguerris et les plus costauds ; derrière moi, les plus novices et les plus frêles. Malgré nos différences de force, nous avons en commun la maîtrise de nos trajectoires et le même plaisir grisant de la glisse sur l’eau. Les éléments autrefois ennemis, vagues qui nous faisaient chavirer, vent qui nous renvoyait la voile en pleine tête, et même nos embarcations qui nous écorchaient les mains et les pieds sont tous maintenant nos meilleurs alliés.

Nous regagnons la plage du club de voile avec fierté. Léonard nous félicite, et cependant que nous rangeons l’attirail, il prépare les précieux certificats qui nous permettront de naviguer sans encombre. Pas comme ces touristes dangereux qui font n’importe quoi sans avoir jamais pris de leçon en mer !

C’est ce moment de joie collective qu’il a choisi pour nous annoncer qu’il nous quittait. Définitivement. Léonard, malgré un prénom du XVIe siècle, n’a même pas la quarantaine. Alors quoi, c’est cette fameuse crise où il se dit qu’il a peut-être raté sa carrière de rocker ? Des années d’enseignement, à transmettre des techniques, à faire vivre des groupes d’enfants, ados et adultes, à nous apprendre ...

... l’entraide et le dépassement de soi, tout ça pour se retirer dans l’écriture d’un prétendu livre ? Il ne sait même pas sur quoi ! Je suis en colère parce que je me sens abandonnée. Ce mec a dix ans de plus que moi et on peut se parler simplement, comme s’il était toujours un étudiant dans sa tête. J’adore son accent du Sud prononcé, héritage de sa campagne natale.

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Quelques semaines plus tard, je ruminais encore, cherchant un putain de prétexte pour le revoir. J’ai tourné le truc dans ma tête. Oublier une affaire au club ? Il ne se serait pas déplacé pour ça. Lui proposer un café ? Il aurait invité les autres pour un pot collectif. Enfin j’ai trouvé : lui demander un entretien pour un travail dirigé à la fac. Il a accepté ! Chez moi !

Ce matin-là, je suis sur le pied de guerre. J’ai astiqué la maison, préparé mon interview. Elle se déroule comme prévu, et sous mon apparence calme je monte intérieurement en tension. Ou plutôt je peine à contenir l’excitation qui est en moi depuis le réveil et qui me rend de plus en plus nerveuse.

J’arrête l’enregistrement et pose mes notes. Je lui sers un thé. Nous parlons peu. Il s’égare dans ses pensées. Son regard part dans le vague. Je ne sais plus quoi dire pour le relancer. C’est que je n’ai qu’une seule chose en tête : je le trouve attirant depuis la toute première fois que je l’ai vu, et maintenant qu’il n’est plus mon « supérieur hiérarchique » il n’y a plus de frein à mon imagination fertile et ...