1. Abstinence


    Datte: 07/11/2020, Catégories: voisins, Voyeur / Exhib / Nudisme nonéro, sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... plutôt encombré, en ce jeudi soir de décembre. Pichon, jouant des coudes à travers toute la misère du monde et de ses environs, finit par échouer sur le stuk poli du comptoir administrativement adéquat. Après avoir décliné son identité et celle du vagabond auquel le hasard l’avait apparenté, il obtint l’insigne honneur de parapher un formulaire de prise en charge. Les tracasseries d’usage expédiées, on l’autorisa à entrevoir l’éthylique fraîchement recousu…
    
    Ce grand hôpital regorgeait d’ascenseurs et de coursives labyrinthiques, qui parsemaient ses entrailles d’autant de sas plus ou moins stériles. Pichon batailla un moment avant d’admettre qu’il était définitivement perdu. Jetant l’éponge, il se décida à harponner une infirmière - une jeunette sensible à son désarroi - qui le guida avec obligeance vers les salles de réveil. L’ange en blouse blanche abandonna Pichon dans le couloir de la « réa », face à la porte vitrée le séparant du pauvre hère sauvagement tailladé.
    
    On lui avait indiqué que Gatimel dormait encore, mais une angoisse incoercible retenait le comptable. Il temporisait lâchement, comme une première communiante au seuil d’un confessionnal. Derrière ce panneau d’aggloméré monté sur charnières, ce n’était pas simplement un être, mais toute une partie refoulée de son existence qui l’attendait.
    
    Prenant une inspiration d’apnéiste en partance pour le néant, il se laissa glisser dans la petite pièce. Une faible lueur verdâtre éclairait les lieux. Intimidé, ...
    ... Pichon n’alluma pas. Après un temps, il finit par distinguer la masse affalée du clochard. Seuls signes de vie dans cet endroit puant la mort : le chuintement rauque d’une respiration, accompagné du morne « bip-bip » des appareils de monitoring.
    
    Il s’avança vers le lit où reposait le rescapé, confit d’anesthésiques. Pichon cheminait sur la pointe des pieds, aussi prudemment qu’un souriceau s’approchant d’un chat endormi. Comme si Gatimel devait soudain se redresser et lui sauter à la figure, tel un zombi parcouru de spasmes déments.
    
    Il ne distinguait pas bien le clochard, mais il vit qu’on avait rasé la broussaille couvrant le bas de son visage et que l’on avait bandé son cou et le haut de ses épaules. Pichon lorgnait avec curiosité la trogne imberbe du SDF.
    
    — Merde ! C’est bien lui ? Mais… mais j’ai déjà vu ce visage ! On jurerait… Aargh !
    
    L’onde de choc, terrible, lui fit pousser un glapissement étranglé. Il n’y avait aucun doute : ce faciès bouffi était celui de Gérard Depardieu !
    
    Lucien Gatimel ouvrit les paupières à cet instant précis, ce qui fit reculer le comptable de deux pas. Le vagabond fixait Pichon sans un mot, puis il porta une main tremblante à sa gorge, essaya de parler, mais ne put émettre qu’un gargouillis sanglant.
    
    Après un court instant de panique, Gatimel se reprenait déjà. Il s’assit sur le sommier médicalisé, puis recourba les doigts de sa main droite qu’il agita au-dessus de sa paume gauche. Le comptable, l’air plus ahuri que jamais, ...
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