1. Au temps de l'amour courtois


    Datte: 02/11/2020, Catégories: fh, historique, Auteur: André 59, Source: Revebebe

    ... freine-t-elle en l’enserrant à la base. Leurs doigts s’égarent dans des endroits sombres et secrets et ils boivent chacun à la fontaine de jouissance. La comtesse éprouve cependant de légers remords. Cela aura été encore un instant de plaisir, de pure fornication, ils n’ont pas engendré. L’abbé, une nouvelle fois, risquait d’être de fort méchante humeur. Eudes, lui, repu et heureux, dort du sommeil du juste.
    
    Au petit matin, Enguerrand se présente sur le champ d’entraînement. Désormais, son quotidien va être fait de plaies et de bosses. S’il veut être un jour adoubé chevalier, il lui faudra accomplir des prouesses, et pour cela il doit forger son cœur et son corps. Il étouffe sous le poids du haubert et du casque. La courroie de son écu lui scie l’épaule. Et son épée lui pèse au bout du bras. La première journée est éprouvante, et les suivantes encore plus. Semaine après semaine, mois après mois, il pratique l’escrime, le tir à l’arc, la lutte, et même le combat au bâton comme un simple paysan. Eudes est un homme rude, mais juste. Il frotte parfois rudement les épaules du garçon, mais c’est pour son bien. Une bonne collée vaut mieux qu’un crâne fendu et ce qu’il apprend aujourd’hui lui sauvera la vie demain. Il l’a d’ailleurs en grande sympathie. Il aime sa bonne volonté inlassable, son courage tranquille et en même temps il est impressionné par sa culture, si rare chez un individu de sa condition. Il sait manier la plume et bientôt il saura manier l’épée et la lance, il ...
    ... ira loin pour peu que les circonstances l’aident et qu’il manifeste du caractère.
    
    Hasard ou prémonition, la comtesse pense de même en regardant le jeune écuyer s’entraîner à la quintaine. Par deux fois déjà, le bras du lourd mannequin l’a jeté à terre alors qu’il le chargeait au galop, lance couchée. Et il remonte encore à cheval sous les encouragements un peu narquois des gardes. Elle n’en laisse rien voir, mais ce garçon la trouble. La première fois, ce fut lorsqu’elle découvrit qu’il savait lire. Et raconter. Il connaissait par cœur des passages entiers d’Homère ou d’Ovide. Et les chansons de geste n’avaient nul secret pour lui. Il danse avec élégance. Il sait jouer du luth. Elle s’attendait à devoir policer un rustre. C’est déjà un gentilhomme. Plusieurs de ses dames de compagnie lui font d’ailleurs les yeux doux, mais il ne les voit pas.
    
    En fait, voilà des semaines qu’il ne la quitte pas des yeux lorsqu’elle paraît. Elle a remarqué que sa présence le fait redoubler de courage lorsqu’il commence à montrer de l’épuisement. C’est pour elle qu’il serre les dents et va jusqu’au bout de ses forces. Il n’y a pas de plus bel hommage qu’un chevalier puisse rendre à sa dame. Elle se moque d’elle-même. À trente-cinq ans, elle pourrait être sa mère. Et pourtant…
    
    Enguerrand en a fini pour aujourd’hui. Il est rompu, perclus de tous côtés. Ses côtes lui font mal. Deux jeunes dames de compagnie de la comtesse sont là, dans sa chambre, se tenant près de sa couche. La comtesse les ...
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