1. La chemise de lui


    Datte: 16/09/2020, Catégories: Enigme, fh, jeunes, inconnu, exercice, Auteur: Cheminamants, Source: Revebebe

    ... ses bras pour un bi-colorisme saillant. Il ramène les pans cotonneux sur le devant de son torse, d’un geste lent. Il descend ses mains à plat, du haut jusqu’en bas, pour en lisser le tissu dans un mouvement au ralenti qui laisse le temps de se poser une question : caresse de buste ou ajustement ?
    
    Qu’importe l’hypocrisie interrogative puisque la réponse évidente est « jeu de charme ».
    
    Sandra enlève la chemise d’homme pour une fin d’amusement et me fait un geste de demande concernant la mienne.
    
    — Souricette, donne !
    
    Je m’en déshabille aussitôt et la lui tends en lui adressant un regard qui lui dit « N’en fais pas trop, ne le fâche pas, on ne sait jamais… »
    
    Elle me lance un sourire rassurant avant de théâtraliser ses gestes : elle place nos deux chemises dans les bras de cet homme puis pose son regard sur les membres encombrés des vêtements. J’en comprends le pitoyable qu’elle lui laisse croire pour ses muscles afin de le dissuader d’une avancée vers nous en vaine tentative de séduction. Elle accompagne son culot d’une minauderie en fil de voix sarcastique et moqueur, susurrée à l’oreille :
    
    — Pour votre sœuuur… une des deux. Les couleurs en sont plus jolies ; nous, on le sait.
    
    À rebrousse-talons, elle m’entraîne aussitôt vers la caisse pour ...
    ... régler nos maillots de bain, sans plus faire attention à cet homme. Nous parlons ciné pour ce soir, tentées par la petite salle de notre quartier, à deux rues d’ici.
    
    Une main s’appuie sur la mienne à la sortie du magasin au moment où je la place sur la porte.
    
    C’est lui. Il nous ouvre l’accès à la sortie, montre son sac d’un geste en toute décontraction comme preuve de ses achats ici. Il s’éloigne en sens inverse de nous, chantonnant « Une souris verte, trempez-la dans l’huile, trempez-la dans l’eau et ça fera un escargot tout chaud. » Il rit. Juste après, il est loin.
    
    * * *
    
    Je frissonne. Sa main, encore sa main, en précipité sur ma porte, à la sonnerie du clocher de minuit, après le ciné.
    
    « Sandra, regarde : maintenant elle tient ta culotte ! »
    
    L’éternité a duré quelques minutes.
    
    Ma culotte. Sa main. Une arrachée haletante de féminité. Je le chevauche. Les cuisses m’en tremblent.
    
    « Hé, Sandra, reviens ! Vas-y. Dis-le… »
    
    La chemise, c’était la mienne. Le magasin. Sylvette. Lui.
    
    Je me relève. Je fais trois pas. Un numéro. Une sonnerie.
    
    — Je m’appelle Sandra.
    
    J’ai 20 ans.
    
    Lui, je sais pas.
    
    La chemise rougie.
    
    Sur moi.
    
    Le sperme.
    
    Mes poils.
    
    Mouillés.
    
    Sale.
    
    Le couteau par terre.
    
    Fallait pas qu’il me viole. 
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