L'oeil - Histoires de Sexe

L'oeil

La vie est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais lequel on va tirer ! se dit Émilie.

Le ronflement de son mari qui dort sur la couchette du haut, en face d’elle, couvre le bruit lancinant du train de nuit qui l’emmène de Paris vers la Côte d’Azur. Comme elle peine à trouver le sommeil, et d’une façon qui la surprend elle même, Émilie philosophe sur la vie. Elle vient d’avoir trente ans et le moment lui paraît judicieux pour faire le bilan de son existence. Sa fille, sur le lit au-dessus d’elle, s’est endormie rapidement et dort maintenant aussi profondément que son père. Sur le lit au-dessous de son mari, le vieux monsieur semble par contre avoir lui aussi des difficultés à trouver le sommeil.

Quand elle s’est installée avec son mari et sa fille de cinq ans dans ce compartiment de première classe, gare de Lyon à Paris, Émilie a été soulagée de constater que leur compagnon de voyage serait un vieux monsieur de… soixante ans. Même à trente ans, soixante années paraissent très longues. Émilie est satisfaite de ne pas partager une nuit d’intimité avec une personne plus ou moins déplaisante. On ne sait jamais sur qui l’on va tomber dans ce genre de voyage et elle a pris, malgré le surcoût, des billets de première classe afin d’éviter de se retrouver avec trois autres voyageurs. Un seul inconnu est déjà amplement suffisant. Bien qu’elle aurait préféré tomber sur une autre femme, elle se réjouit de ne pas devoir passer une nuit à proximité d’un homme jeune et mal ...

... élevé. Et celui-ci lui a tout de suite fait bonne impression. Prévenant et serviable, il les a aidés à installer les bagages.

Tout juste a t-elle eu l’impression desentir les yeux du voyageur s’attarder un peu trop longuement sur ses fesses quand elle lui a tourné le dos pour ajouter sa vanity dans le filet. Mais elle ne s’en inquiète pas outre mesure, son imagination lui joue peut-être un tour. C’est sûrement cela. Car son corps, banal et imparfait, ne retient jamais l’attention.

Émilie est mariée avec Frédéric depuis sept ans, et les deux premières années de leur mariage ont été un enchantement. Mais la naissance de leur fille, au bout de deux années, a mis fin à cette complicité sexuelle qui les enflammait tout deux brutalement. Pour des raisons qu’elle ne s’explique pas, le désir a disparu chez Frédéric. Elle ne regrette rien, la naissance de sa fille a été le plus beau jour de sa vie, mais les étreintes plus rares et plus froides de son époux lui laissent quand même un sentiment d’amertume. Il est plus dur de s’habituer au tiède quand on a connu le feu.

Après cinq ans de vie tranquille et sans passion, Émilie s’est habituée inconsciemment à ne plus être désirée et elle ne prête donc plus attention à l’incident. D’ailleurs, le vieux monsieur est rapidement parti manger au wagon-restaurant et ils se sont retrouvés tranquilles tous les trois pour manger les sandwiches qu’elle avait préparés dans l’après-midi. Elle en profite également pour passer la chemise de nuit ...