1. La petite graine qui pouvait tout changer...


    Datte: 09/09/2020, Catégories: sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... me levai d’un bond. Loin de la simple manifestation ectoplasmique, mon mari était bien là, devant moi, aussi tangible que tout un chacun. N’arrivant pas à le croire, je laissai courir mes doigts sous le tissu parfumé de sa chemise entrouverte, palpant son torse chaud et ferme. Puis, pleurant sans bruit, je l’enlaçai convulsivement, pressant mon ventre de femme enceinte contre le sien, dévorant de baisers pressants son cou, respirant à pleins poumons son odeur suave.
    
    Piotr, me repoussant avec douceur, me fit alors signe de le suivre. Nous n’avions toujours pas échangé un mot. Avant de franchir à sa suite le seuil de la chambre, je jetai un coup d’œil à la forme blafarde sur le côté gauche du lit. Alain en écrasait comme un bienheureux ; il ne risquait pas de nous surprendre. Cela m’apporta un étrange réconfort. Pour une raison inexplicable, il était vital que ce rêve ne s’interrompe sous aucun prétexte. S’il s’agissait bien là d’un rêve…
    
    Sans transition, comme bien souvent dans les songes, je me retrouvais dans le salon des Keller, au premier niveau de l’abri. Piotr avait allumé l’ordinateur portable. Dans la pénombre de la pièce, la lueur violente, presque agressive de l’écran me faisait mal aux yeux. Celui-ci diffusait un film amateur aux images hachées, aux prises de vues approximatives. Je m’approchai pour mieux voir. Une énorme boule de feu avait envahi le ciel et se détachait au-dessus de la silhouette massive d’un centre commercial. Fuyant les gaz incandescents, ...
    ... une foule affolée se ruait droit sur la caméra. Au milieu de ces gens qui courraient, une femme avec une enfant dans les bras. Je les reconnus aussitôt : Élodie, l’épouse d’Alain. La fillette apeurée s’accrochant à son cou devait être Manon.
    
    J’allais détourner les yeux pour ne pas voir la suite quand la voix de Piotr a retenti à l’intérieur de mon crâne :
    
    — Observe ce qui va se passer.
    
    L’effet de souffle avait atteint le temple de la consommation, broyant les structures métalliques, pulvérisant les vitres, transformant des blocs de bétons gros comme des pianos en météorites bardées d’acier. Soudain la foule hurlante fut soulevée de terre et projetée en tous sens. L’angle de vue changea, la caméra s’éleva pour filmer le désastre d’en haut. Une poussière grisâtre, légère comme de la farine, se déposait sur les bras, les jambes, les torses émergeant des décombres. Je m’attendais à ce qu’un flot rouge éclabousse les débris, que des geysers de sang jaillissent des membres arrachés, des artères sectionnées, qu’une pluie de viscères tapisse le sol. Mais non, rien de tout cela…
    
    L’objectif s’approcha d’un groupe de corps enchevêtrés. Je me forçai à ne pas quitter l’écran des yeux. Ce que j’y vis me laissa sans voix. Ce n’était plus des cadavres qui jonchaient le sol, mais des mannequins en plastique. Je crus d’abord qu’il s’agissait du contenu d’une vitrine, propulsé là avec d’autres débris. Mais un lent travelling sur les décombres me montra qu’il n’y avait pas une seule ...