1. Uchronie soit qui mal y pense ou l'effondrement de l'humanité [SF] (5)


    Datte: 05/08/2020, Catégories: Divers, Auteur: Doogy Woogy, Source: Xstory

    Lorsqu’Emma arriva, Sophie était allongée dans la baignoire, se prélassant dans l’eau chaude et saturée de bain moussant. Irkoutsk était allongé sur le seuil comme s’il montait la garde pour protéger sa maîtresse. La tête posée sur le sol entre ses larges pattes, les oreilles dressées guettaient et analysaient le moindre bruit, telles des antennes paraboliques traquant les émissions en provenance de l’espace. Soudain il releva la tête. Emma appela alors qu’elle refermait la porte et le malamute souffla un aboiement pour signaler leur présence.
    
    - Je suis venue aussi vite que possible, mais le cabinet était plein, commenta Emma en gravissant les dernières marches de l’escalier. Comment vas-tu, ma chérie ?
    
    - Plus de peur que de mal. Je m’en tire avec une belle griffure, heureusement superficielle.
    
    - Fais-moi voir ça ! As-tu bien désinfecté au moins ?
    
    Outre la blessure principale qui commençait à la clavicule gauche pour atteindre le nombril, des griffures couvraient les cuisses de Sophie comme si un chat y avait fait ses griffes. Emma inspecta la longue plaie et partagea l’avis de son infortunée amie : elle avait eu de la veine ! La marque était nette et précise ; la griffe, qui devait être effilée, aurait pu faire plus de dégâts. Après avoir ausculté et réconforté sa compagne, elle se tourna vers le chien qui n’avait pas changé de place. Elle s’approcha et le félicita, passant les doigts dans la fourrure épaisse du cou. Il releva la tête pour profiter des caresses ...
    ... qu’il ponctua de deux coups de langue sur le visage en guise de remerciement.
    
    La praticienne questionna sa compagne toute la soirée. Le lendemain, si elle s’en sentait capable, elles iraient toutes deux sur les lieux à la recherche du cadavre car Emma tenait à examiner cette créature ; la description qui lui en avait été faite la laissait perplexe.
    
    Elles prirent un repas frugal, aucune d’elles n’ayant la tête à cuisiner, et Sophie n’avait guère envie de manger. Elles s’installèrent ensuite dans le salon et écoutèrent un album de Shawn Colvin qu’elles avaient dégoté dans une brocante. Il datait d’une époque où la musique était encore enregistrée sur des disques. Emma aimait cette manière désuète de faire plaisir à ses oreilles. Pour elle, ces galettes étaient comme de vieilles bouteilles de vin qu’on déguste pour une occasion spéciale ou qu’on sort de son étagère comme un vieux souvenir, bon ou mauvais, mais toujours imprégné de ces instants inaltérables d’une vie. Une chanson avait le don de faire revivre un amour perdu, une amitié brisée, un bonheur fugace. Tout remontait à la surface en quelques minutes, et une fois l’écoute terminée, ces fantômes ressuscités s’éternisaient encore un peu.
    
    Elles étaient toutes deux allongées sur le canapé, la brune et la blonde, dans les bras l’une de l’autre. Hormis leur couleur, elles avaient la même chevelure longue et frisée. Emma, brune comme une nuit sans lune, attachait ses cheveux en une queue-de-cheval lâche pour se donner ...
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