Belladone, aux vénéneuses séductions !
Datte: 21/07/2020,
Catégories:
fh,
ff,
prost,
caférestau,
Voyeur / Exhib / Nudisme
odeurs,
Oral
69,
mélo,
portrait,
policier,
bourge,
Auteur: Asymptote, Source: Revebebe
... dressent perpendiculairement, leur conférant l’aspect de goupillons.
Elle orne sa lèvre d’une fière et dense moustache de crin blond qu’elle trempe périodiquement dans la mousse de sa chope et nettoie ensuite à grands coups de langue escortés de claquements énergiques et sonores. Des poils rêches, longs d’un demi-centimètre, disséminés par plaques irrégulières, complètent cette composition pileuse en hérissant un menton qui se démultiplie en bourrelets et circonvolutions dont la mobilité rend l’inventaire exact impossible et se coince entre des bajoues pendantes, superbement bovines, grêlées de tavelures si marquées qu’elles peuvent passer pour des stigmates de petite vérole.
De grands yeux, enfin, clament un perpétuel étonnement, mais leur beau bleu céleste reflète des horizons très éloignés du cadre de sa misérable gargote. Ce sont des sondes qui vous transpercent, pétillantes d’intelligence et de malice. À les détailler, on comprend que la Rose aussi avait dû fleurir d’un véritable éclat même si, dorénavant, lorsqu’elle fait encore tourner des têtes, c’est que ces dernières s’appliquent à regarder ailleurs !
Qu’elle parle l’allemand ou l’alsacien, deux expressions ponctuent invariablement ses phrases : « yoooo aver » et « hoplà » [« oui mais » ou « eh bien », et « allez, bon » ou « voilà »]. Elle les module avec une surprenante diversité de nuances qui enrichit considérablement son vocabulaire polyglotte. Le « yoooo » compte un nombre très fluctuant de « o » ...
... tandis que les « aver » et « hoplà » tantôt crépitent vifs et secs, tantôt s’éternisent en glapissements traînants, suraigus ou rauques. Seuls les initiés savent interpréter les multiples inflexions de ces locutions et en saisir l’infinie prolixité sémantique.
À peine le commissaire installé, sans quitter son refuge, elle grince :
— Hoplà, un der doo, was will er ? [Bon, et celui-là que veut-il ?]
Il commande un demi de Knipperlé (5), ce qui lui vaut le commentaire :
— Yoooo aver das esch doch à Herr er kant net beer oder Zwicker trunka via alla. [Bien sûr, c’est un monsieur, il ne peut pas boire une bière ou du Zwicker comme tous.]
Elle s’extirpe de derrière le bar et vient vers sa table en se dandinant d’une jambe sur l’autre dans un mouvement de métronome avec une souplesse toutefois que rien ne laissait présager. Elle claque plus qu’elle ne pose un pichet en grès de Betschdorf (6) devant lui ainsi qu’un verre douteux qu’elle emplit aux trois quarts et une rognure de papier indiquant le prix de la consommation, tout en appuyant la manœuvre d’un « hoplà ! » d’encouragement.
Lescroq brûle de lui coller la photo de Marie-France sous le nez mais comprend qu’à cette heure, au milieu de cette foule et de cette confusion, il n’obtiendra rien. Il se hâte de boire une première gorgée de vin et, surpris par sa qualité, en félicite la tenancière qui le gratifie, en retour, d’un immense sourire.
— Souvenir de guerre ? interroge-t-elle en pointant de l’index le bandeau ...