Fin du monde sur canapé
Datte: 03/06/2020,
Catégories:
sf,
Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe
... leur faisait face, évoquant le sas d’un submersible ou d’une salle des coffres. Loin au-dessus de leurs têtes, le ciel se réduisait à un minuscule carré brillant. La commerciale enclencha un bouton-poussoir et le carré de lumière disparut, avec un claquement de cercueil qu’on referme. Puis elle pianota un code sur le panneau blindé. La lourde porte s’entrouvrit, dévoilant une petite pièce équipée de douches et de casiers de rangement.
— Cet endroit me flanque la trouille, fit Élodie en lançant un regard de reproche à son mari.
— Rassurez-vous, madame, intervint la fille. Il n’y a pas plus sûr en Île-de-France !
Devant l’incompréhension manifeste de sa cliente, elle entreprit de clarifier son propos, lui parlant de l’ancien propriétaire, le docteur Yann Keller, chercheur en physique des particules et Helvète de son état.
Quarante ans plus tôt, Keller avait acquis ce terrain, la plus grande parcelle du quartier, pour y bâtir un pavillon. Conformément aux habitudes prises dans son pays, l’habitation principale était flanquée d’un abri antiatomique. En effet, depuis les années soixante – et jusqu’en 2006 – une loi Suisse avait imposé aux particuliers l’aménagement d’abris de ce genre. Au détail près que le blockhaus des Keller évoquait plutôt le délire mégalomaniaque d’un Hitler ou d’un Staline. Une véritable résidence souterraine, d’une superficie de cent cinquante mètres carrés, équipée pour assurer la survie en autarcie complète de cinq personnes, durant deux ...
... décennies. Cette installation cyclopéenne occasionna cependant de tels dépassements de budget que le docteur Keller fut par la suite contraint à une réduction drastique du standing de son habitation principale.
D’un air circonspect, Élodie inspecta les douches du sas de décontamination. Les faïences et la plomberie évoquaient le design industriel de l’âge d’or soviétique. Inutile de s’en inquiéter, lui assura Alain. Avec l’aide d’un bon décorateur, on pourrait sans doute transformer ce sombre réduit en coquette salle d’eau. Ne voyait-on pas ça tous les jours, dans les émissions de « home-staging » sur M6 ?
La commerciale leur fit franchir la seconde porte blindée menant au bunker des Suisses. Alain, qui avait déjà visité les trois niveaux de l’abri avec la fille, fut une nouvelle fois frappé par la démesure des lieux. Le premier niveau, dédié aux activités communautaires, comprenait une cuisine dernier cri, époque Richard Nixon, une salle à manger au mobilier alpin d’un goût parfait – Alain adorait le coucou au-dessus de la cheminée en polystyrène – ainsi qu’un salon pourvu d’une bibliothèque très complète, pour qui s’intéressait aux thèses de doctorat dans le domaine de l’atome. Au niveau inférieur se trouvaient trois chambres accueillantes, une salle de bain et un WC équipé de toilettes sèches.
Enfin, le dernier sous-sol regroupait les ressources cruciales pour la survie quotidienne. Une première salle hébergeait la grosse génératrice et la machinerie complexe assurant le ...